navigation et manoeuvre en solitaire
posted on 12 February 2004 09:57
Bonjour,
je cherche à rassembler toutes les ressources existantes sur l'aprentissage de la navigation et des manoeuvres spécifique au
solitaire (organisation, trucs et bricolage, manoeuvres, sommeil, météo, veille, navigation, électronique, etc...):
Cours théoriques, expérience pratique, centres d'entrainement, publication,...
L'idée est d'en faire la base de la rédaction d'un "cours théorique" ou "manuel du solitaire"
Tous à vos liens!!!
Comme je sais qu'il a existé plusieurs threads sur des sujets spécifiques (ammarage en solo,...), cela pourrait également faire
partie d'un dossier STW.
Qu'en pensez-vous?
Merci de votre aide
Tom
La nav' en solo, c'est comme la nav à plusieurs, à part qu'on doit être un peu plus prudent, préparer un peu mieux le bateau,
réduire plus tôt, relacher la toile sans se presser, et surtout bien connaître son bateau pour manoeuvrer les yeux fermés.
Mais... Cela ne s'apprend pas dans les livres! On acquiert l'expérience au cours de petites sorties par temps maniables, puis on
ose rester dehors une nuit, puis affronter seul un force 5, puis se lancer dans une petite traversée, etc, etc... Petit à petit, on
découvre comment replacer idéalement tel bout' ou tel autre, en fonction de son bateau.
L'important c'est le mental. Si tu n'as pas confiance dans tes capacités de marin, dans tes ressources psychiques et, bien sûr
dans ton bateau, ce n'est pas dans un cours que tu trouveras les réponses. Pire, en enseignant des "recettes"aux autres, tu les
mettras en danger en leur laissant croire qu'il y a une théorie et qu'il suffit de la connaître pour s'en sortir.
http://christian.navis.free.fr/index.html
Et voilà Tarte à la crème.
Bien sûr Christian RIEN ne remplace l'expérience.
Mais désolé de te contredire, la nav en solo ce n'est pas uniquement la nav en équipage avec "plus de prudence".
Il y a des trucs spécifiques, des procédures de manoeuvres fort différentes (appareillage, spi, virements de bord, etc...) veille,
sommeil, gestion du pilote (d'aileurs plusieurs thread développés ici le démontrent); d'excellents articles comme ceux développés
dans les cahiers de régate par exemple le démontre également.
L'objectif ici est de réunir ce qui est SPECIFIQUE à ce type de nav.
Par ailleurs, il ne s'agit pas de s'affranchir de l'expérience, mais une bonne base théorique n'a jamais nuit (il me semble que c'est
de la pédagogie basique).
Enfin, je te précise que je navigue très souvent en solo par tout temps (même si je reste très humble, encore plus en solo); Je
ne cherche pas non plus à attirer un éventuel chaland casse-cou vers la catastrophe mais juste à réunir et partager un certains
nombres d'infos qui seront utiles à tous ceux qui souhaitent progresser dans ce type de navigation.
Voilà c'est tout,A+
Tom
moi, j'ai bien aime la reponse de christian
j'ajoute que pour moi (mais ca ne vaut sans doute que pour moi) , en solo on est 2 en un: celui que j'aimerai etre et celui qui
tremble un peu (parfois beaucoup). le premier doit, modestement, s'imposer au second. en cas de succes, c'est formidable,
genial, super...mais malheureusement c'est a recommencer chaque fois!! au fond, j'aime bien me dire qu' etre a la fois l'ouvrier,
le navigateur, le captain, le cuisnier, le medecin et l'aumonier du bord, ca va bien : ca fait 5 rations de rhum (l'aumonier ne boit
pas..)
UN MARIN FOU SUR LE DIVAN DE STW
Pour ceux qui se demandent comment aller seuls en Corse sans casse, ou
tenir une nuit, seuls à la barre, dans une régate semi-côtière, les conseils
des revues peuvent aider... Moi, je parle des grandes traversées en solitaire.
Là où la gestion du psychisme est fondamentale.
Peut-être parce qu'il touche à l'essence même de l'individu, personne
ne semble très à l'aise pour parler du psychisme. Et surtout des aberrations
que subit le mental dans la solitude prolongée au large. Certes chacun
réagit différemment, et tant qu'on n'a pas essayé, à petites doses d'abord,
on ignore comment on va se comporter. Les manoeuvres spécifiques, mettre un
bout' là plutôt qu'ailleurs ou installer un sac à drisse, ou une prise de ris automatique
me paraissent anecdotiques, si on s'écroule de l'intérieur!
Certains, après 48 h sans personne à qui parler, et en n'ayant rien
d'autre à voir que de l'eau sur 360° sont gagnés par une angoisse
lancinante qui peut d'ailleurs se traduire par des troubles psycho-somatiques.
En général, ils regagnent vite le port le plus proche. Et c'est ce qu'ils
ont de mieux à faire...
Admettons que ces limites soient reportées au delà des limites d'un
portable ou d'une vhf, cela fera au mieux 3 jours...
D'autres, après une assez longue traversée, ou des conditions éprouvantes,
deviennent complètement dingues. Ou paranos graves. Je me souviens avoir rencontré à Tanger
un compatriote qui arrivait des Antilles. Le gars avait l'air normal et son bateau, extérieurement,
n'attirait pas l'attention. Mais à l'intérieur! Il n'y avait plus rien!
Une vraie coque nue...
Ralenti par des calmasses, et victime de sa propre négligence, la carène
traînant autant d'algues que de patelles et d'anatifes, il s'était mis
dans la tête l'idée qu'il *Devait* alléger le bateau pour le faire avancer plus vite.
(Bon réflexe de régatier, ceci dit sans méchanceté aucune!)
Logique dans sa démence, il avait jeté par dessus bord, le moteur de l'annexe,
puis toutes les ancres, puis la gazinière, la porte des WC,
les couvercles de coffres, la batterie de cuisine et celle du moteur,
ses livres, enfin les coussins et les vaigrages, bref il n'y avait plus rien dedans!!!
Autre histoire: Un Suisse, trouvé hagard au mouillage des îles Kerkennah en mer rouge,
voyait des pirates partout, prêt à utiliser son pistolet à fusées pour
incendier les boutres de pêcheurs yéménites croisant fréquemment dans
les parages. Arrivant par chance avant qu'il n'ait commis l'irréparable,
je l'ai fait bien boire et avaler des cachets contre le paludisme
(en fait des somnifères) en lui promettant que j'allais l'aider à
protéger son bateau. Il a dormi presque 48 heures, et au réveil il avait
les idées un peu plus claire... Simplement, ayant à choisir entre les
cargos et le corail, omniprésents, il n'avait pratiquement pas dormi
depuis une semaine.
Pour ma part, je tiens à peu près bien 3 semaines, au delà desquelles
je commence à parler tout seul. A 4 semaines, j'ai des hallucinations,
je demande par exemple à un barreur fantôme de lofer un poil pour
m'aider à ariser, ou je me déroute pour éviter des cargos, ou des îles
imaginaires... Et ces limites peuvent être réduites par le stress ou
la fatigue, si par exemple je rencontre du mauvais temps et/ou subis des avaries
dans la semaine suivant le départ.
A 5/6 semaines, ou 3/4 nuits sans sommeil, j'atteins mes limites, celles où
je sais que je n'ai plus qu'un contrôle très relatif de mon intellect.
Et c'est un pandemonium de monstres fantasmagoriques qui envahit mes délires
éveillés. Des monstres inoffensifs (encore heureux!) mais qui accaparent
toute mon attention. Me concentrer sur la manoeuvre ou la navigation peut
alors devenir un vrai supplice, comme quand on a un fort mal de mer,
qu'on est vautré sur les planchers, qu'on sait qu'il faut ariser, ou
changer de cap, parce que le vent, parce que les rochers... Mais qu'on a
la plus grand peine à agir, comme si la partie du cerveau commandant
aux mouvements était complètement engourdie.
La plus longue traversée solo que j'ai jamais faite a duré 53 jours.
Le Pacifique à voilure réduite parce que je craignais une rupture de gréement...
Ayant déjà fait plusieurs traversées d'océans en solo, je connaissais
bien les effets de la solitude, et je me suis battu contre moi même pour
résister mais en vain... Je n'ai du deuxième mois de mer que des souvenirs
diffus, semi-comateux, sans queue ni tête, comme si j'avais été bourré ou raide défoncé
du matin au soir (en précisant bien que ce n'était pas le cas!)
Honnêtement, il m'a fallu près d'un an pour m'en remettre, tant les séquelles
de ces journées là, renaissaient dès que je m'endormais, ou simplement rêvassais.
Mais comme je le disais au début, il y a une sorte de pudeur (ou de honte?)
à en parler. Des amis à qui j'avais avoué d'emblée mes "faiblesses",
ont fini par me narrer les leurs. Si je n'avais pas commencé, il est
probable qu'ils ne m'en auraient jamais parlé. En tout cas, quelque part,
ça m'a rassuré de voir que je n'étais pas le seul tourdumondiste à
avoir perdu la boule!
http://christian.navis.free.fr/index.html
Christian,
je suis allé sur ton site; c'est sûr tu as une très grande expérience (ce qui te fait avoir d'ailleurs le verbe plutôt haut, mais c'est
un privilège que je te reconnais volontiers).
Je suis surpris de ta réaction sur on projet de regrouper dans "une bible de la nav' en solitaire".
Tu as apparemment toi aussi en son temps écrit quelques ouvrages "théoriques" comme "sécurité et survie en mer" et je suis
certains que ton idée n'étais pas de te substituer à l'inévitable expérience.
Par ailleurs, tu considères que les SPECIFITES à la nav' en solitaire sont anecdotiques (ce sont justement celles là qui
m'interesse), mais à te lire (d'ailleurs ta contribution sur la gestion de la solitude est très intéressante), je n'en suis pas persuadé.
Bref, que ce soit pour faire des traversées de 50 jours ou d'un WE, en régate ou en croisière, je reste persuadé que réunir ces
infos ou liens est susceptible d'intéresser pleins de navigateurs qui n'ont pas (encore) ton expérience, mais qui souhaitent
échanger et progresser.
Sans polémique et amicalement,
Thomas
>Tu as apparemment toi aussi en son temps écrit quelques ouvrages "théoriques"
comme "sécurité et survie en mer" et je suis certains que ton idée n'étais pas de te substituer à l'inévitable expérience.
Il faut replacer dans le contexte! C'était il y a près de 25 ans!
Juste à la fin de la période heureuse de Liberté, Liberté Chérie, dont
les navigateurs avaient bénéficié jusqu'alors.
Les "fameux" décrets venaient de sortir, et de même que 95% des plaisanciers
de l'époque ne perdaient jamais la terre de vue (le sat' nav valait
à peu près un an de paye d'un cadre moyen, ne marchait pas partout et parfois cafouillait,
et les ADF étaient inexploitables au large) un pourcentage équivalent découvrait
le "cone pointe en bas" et autres babioles.
Il ne s'agissait pas de donner des conseils tout faits, genre livre de
cuisine, mais d'inciter les nouveaux venus à la plaisance à réfléchir,
en leur expliquant que la réglementation était une fausse sécurité, qu'il
y avait d'autres moyens d'action plus efficaces que d'embarquer le bric-à-brac
hétéroclite imposé, et en rappelant qu'aucune expérience n'est tout à fait transposable.
En mer plus qu'ailleurs, mieux vaut apprendre à son rythme, savoir
réfréner ses ardeurs quand on ne se sent pas en condition optimale, et
réfléchir calmement à la manière de s'en sortir si.....
Savoir gérer son stress est fondamental. Il en faut un peu, pour rester vigilant
et performant. Mais on doit pouvoir évacuer le surplus qui fait raisonner
de travers, imaginer au lieu de voir, supposer au lieu de constater, et prendre des mauvaises
décisions ou les bonnes à contretemps. En redisant, une fois de plus: A chacun(e)
selon sa personnalité, son âge, sa résistance physique, ses ressources intérieures.
Par ailleurs, déjà, à l'époque, je parlais de la primauté du facteur psychologique.
En nav' tranquille comme dans un naufrage. Des fantaisies hollywoodiennes n'étant pas venues
raconter n'importe quoi, je rappelais (après le docteur Alain Bombard)
que, le 14 avril 1912, quand le "Titanic" coule, les premiers secours arrivent
sur place, seulement trois heures après!!
Les morts par noyade, hydrocution, sont moins de quelques dizaines, ce qui est peu
dans une catastrophe de ce genre. Par contre, des centaines de macchabbées
gisent dans des chaloupes, qui flottent, sont en bon état, possèdent des
vivres et de l'eau en quantité suffisante et, pour quelques unes, sont susceptibles
d'être gréées pour continuer le voyage. Certains sont morts de peur au sens
propre du terme. D'autres morts par arrêt cardiaque, ou embolies cérébrales
consécutives à un stress trop violent. D'autres enfin par suicides, parce qu'ils ne
pouvaient plus supporter la pression des évènements... Et on trouve en prime dans
les chaloupes un nombre incalculable de fous qu'on doit sauver de force!
P.S: Ce n'est pas de la pub', mon "oeuvre" n'est plus vendue depuis un bail.
Vu mes compétences en cuisine je ne crois pas être capable d'en rédiger un livre entier de recettes...
Bien donc:
1er conseil: bien se connaitre psychologiquement (lire pour celà les "EXCELLENTES contributions" de Christian dans ce fil)
A (re)lire également les threads sur:
-la veille en solitaire
-ammarage en solo
- cahier de régates N°6, 38, 57, 60 entre autres sur la manoeuvre en solo
d'autres sources ou contributions....
Tom
La quëte se poursuit:
ci-après un lien sur la manoeuvre en solitaire (pole de Port la foret)
http://asso.ffv.fr/polefinistere-cal/technique/solitaire/solitaire.htm
Tom