Se nourrir correctement en mer

Se nourrir correctement en mer

Posté par : Médical grande croisière
15 March 2018 à 16h
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Docteur Jean-Yves Chauve Institut Mer et Vie pour STW Tous droits réservés Décembre 2017 1


Se nourrir en mer


Contrairement aux idées reçues, la vie en mer demande beaucoup d'énergie, en particulier parce qu'elle se déroule dans un milieu où l'homme doit s'adapter en permanence pour faire face à des conditions souvent contraignantes.
Les travaux réalisés notamment pendant la Course en Solitaire du Figaro et pendant le Vendée-Globe ont démontré que les besoins énergétiques de base du marin étaient nettement augmentés avec :
• la lutte permanente contre le déséquilibre lié aux mouvements du bateau. La recherche de la verticalité engendre un travail musculaire et nerveux incessant. Plus les conditions seront rudes, plus cette dépense physique sera importante. Par mauvais temps, nous avons évalué les besoins supplémentaires entre 800 et 1000 calories
• un sommeil plus court et de moins bonne qualité avec pour corollaire une activité physique et mentale plus importante.
• la lutte contre le froid et l'humidité;
• le mal de mer (éventuellement);
• le stress lié à de multiples paramètres (météo, difficultés techniques, dangers sur l'eau ...)


Les études démontrent qu'il faut manger plus, un peu plus par temps chaud et vent faible, beaucoup plus par temps froid et vent fort. On s’en serait douté, mais si le bon sens le prétend, les travaux scientifiques réalisés le prouvent.
Par temps froid ou venteux, les rations alimentaires quotidiennes doivent évoluer entre 3500 à 5500 calories par jour, en respectant l'équilibre nutritionnel habituel (55 % de Glucides, 30 % de Lipides, 15 % de Protides). Par temps très froid, on peut augmenter les Glucides lents (pâtes, féculents) ainsi que les Lipides (graisses).
La nutrition en mer doit reposer sur des aliments simples à préparer et qui fournissent une énergie de base bien répartie. Les féculents et en particulier les pâtes sont bien adaptés. C’est l’énergie « Diesel » de l’organisme que l’on complétera selon ses goûts avec légumes, fromages, viandes pour garder un apport équilibré. Mais il faut si possible manger chaud.

Contrairement aux idées reçues, les barres sucrées font dormir en aidant le transport vers le cerveau d’un acide aminé (le tryptophane) où il est transformé en sérotonine, le neuromédiateur du sommeil. A contrario, les protéines (type sandwich jambon-beurre) stimulent l’éveil par la synthèse d’adrénaline, de dopamine et une réduction de la synthèse de la sérotonine.
Les barres énergétiques à assimilation rapide (pâtes d’amandes par exemple) ne doivent être utilisée que dans des cas spécifiques comme par exemple un état de fatigue important ou pour faire face à une forte dépense énergétique imprévue, comme par exemple rentrer une voile dans de mauvaises conditions, monter au mât, etc… Cette énergie immédiatement disponible au niveau du muscle est un peu le « turbo » du moteur diesel décrit précédemment.


Il ne faut pas oublier de boire. L’eau est nécessaire pour la transformation des aliments en énergie utilisable par les cellules du corps. Une règle simple : il faut 1 centimètre-cube d’eau pour une calorie ingérée. Avec des aliments habituels, l’eau contenue dans les aliments eux-mêmes fournie une grande part de cette eau. Pour compléter l’apport, en particulier par vent fort et froid, il faut boire au moins 2 litres d’eau par jour pour une ration à 3000 calories et 3 litres pour une ration à 4500 calories.

A noter qu’une déshydratation de 2%, soit pour une personne pesant 75 kgs une perte d’environ 1,5 kg, va entrainer une chute des performances physiques et mentales d’environ 20%. Pour 4% d’eau en moins, la chute des performances est de 40% !
Pour faciliter l’assimilation, il est fondamental que l'organisme puisse "reconnaître" les différentes phases d'apport énergétiques dans le rythme journalier.
En mer, il faut garder le rythme chronobiologique des horaires de repas de terre. Les coureurs au large s’organisent de cette façon avec cinq repas à horaires fixes.
• petit déjeuner au lever du jour (20 % de la ration journalière)
• déjeuner vers 13 h (30 % de la ration journalière)
• collation en fin d'après-midi (15 % de la ration journalière)
• dîner au coucher du soleil (20 % de la ration journalière)
• collation vers le milieu de la nuit (15 % de la ration journalière)


Selon la durée de la traversée, vous pouvez, bien entendu, moduler la répartition, la collation de nuit n’ayant aucune raison d’être si vous êtes au port !


Si la vie du bord s’organise par quarts sur une transat par exemple, l’idéal est de garder toujours la même organisation des quarts sur les 24h. Afin de limiter au mieux la désynchronisation par rapport aux habitudes terrestres, il est préférable de proposer le quart du matin à une personne ayant l’habitude de se lever tôt, même si elle doit se lever un peu plus tôt. Pour un couche-tard il est préférable de prolonger un peu son éveil le soir le temps de son quart. L’inconvénient de ce système est quechacun est de quart toujours aux mêmes périodes, mais l’organisme y gagne en performance.


 Au niveau des prises alimentaires dans une organisation par quarts, le mieux est de manger à la fin de son quart.
• Les aliments ingérés vont être digérés pendant le sommeil et l’énergie ingurgitée sera disponible pour le prochain quart ;
• L’énergie nécessaire à la digestion ne sera pas soustraite à l’activité physique développée pendant le quart.
• Les risques d’endormissement parfois constatés après un repas auront moins de chance de se produire.


Ne pas oublier la dimension plaisir ! Préparer un plat quelle qu’en soit la difficulté est un cadeau offert à l’équipage. C’est un moment de convivialité qu’il faut cultiver. Bien manger est une fête qui crée souvent l’ambiance d’une croisière réussie.
Quelques points complémentaires à retenir :

L’alcool entraîne une dilatation des petits vaisseaux à la surface de la peau. L’impression de chaleur ressentie est illusoire, car le sang en surface se refroidit plus vite, accentuant ainsi le refroidissement général.

Quand il est impossible de faire chauffer les aliments, on peut utiliser des barquettes auto-chauffantes que l’on trouve dans les magasins spécialisés dans les fournitures de montagne ou d’expédition. Leur inconvénient : les sauces de ces plats sont parfois difficiles à digérer. À utiliser seulement en dépannage.

Les produits lyophilisés ont pour intérêt essentiel d’être légers et de ne pas poser de problème de conservation. Ils sont largement utilisés en course au large. La réhydratation se fait simplement avec de l’eau chaude. Il faut souvent augmenter un peu le temps de réhydratation pour que le pourcentage d’eau contenu dans l’aliment soit proche de celui de l’aliment normal. Préférer les aliments simples aux plats préparés souvent plus difficile à digérer.

A suivre les valeurs énergétiques, la quantité d’eau et la répartition nutritionnelle des principaux aliments


 

 

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