La plume du Fou Mozambique 2 - Navigation vers le sud - de Nacala à Beira 15.10.24

La plume du Fou Mozambique 2 - Navigation vers le sud - de Nacala à Beira 15.10.24

Posté par : Pascal
29 Octobre 2024 à 17h
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Mozambique 2 - Navigation vers le sud - de Nacala à Beira

15.10.24

Les rafales sifflent dans les haubans, 40 noeuds, pas rien tout de même. Un coup de vent de sud remonte le canal du Mozambique, le troisième depuis un mois, obligeant les équipages à trouver refuge dans un delta à l’abri de l’ile de Chiloane. C’est l’occasion de rattraper le retard pris dans la rédaction des chroniques.

Depuis 4 semaines et désormais à 50 milles au sud de Beira, les catamarans, longeant des plages de sable blanc, ont inscrit dans leurs journaux de bord 650 milles. Parti de Mayotte, l’atterrage est prévu à Nacala à 450 kilomètres de la frontière nord du Mozambique. Le projet est de caboter jusqu’à Maputo, la capitale du pays située à la frontière sud, soit un parcours d’environ 1000 milles (1800 km).

Quand le marin s’engage dans une aventure telle que celle-ci, c’est à dire naviguer dans une région quasiment jamais fréquentée par des plaisanciers hauturiers, le projet se prépare, la route est étudiée, les abris repérés, la météo surveillée. Le capitaine examine les cartes et les photos satellites des heures durant, il les compare aux cartes météo, repère les abris face aux coups de vent de sud qui sont dominants en cette saison. Il a récupéré des coordonnées de mouillages et les tracés d’une navigatrice ayant croisé dans les parages, il y a quelques années. La longue tradition des journaux de bords transmis de pilotes en pilotes perdure : dans le petit monde des plaisanciers hauturiers, on échange les bonnes options, les meilleures routes. 

Naviguer dans le canal du Mozambique entre deux coups de vents

Octobre est la saison réputée la meilleure pour rejoindre les ports d’Afrique du Sud à partir de Mayotte. Les coups de vents de l’hiver austral se font plus rares -quoique… troisième coup de vent en un mois tout de même- et la saison des cyclones commence officiellement en novembre. A cette date, les catamarans seront dans le sud, hors zone sensible. La route de l’ouest s’est imposée du fait de la prolongation de la fermeture des frontières malgaches aux plaisanciers en provenance de Mayotte. C’est une route qui offre une bonne option, les courants et les vents sont fréquemment portants le long de l’Afrique de l’Est en cette saison.

Ces généralités sont confirmées, une partie des navigations se déroulent au vent portant. En fin de journée, les vents forcissent et passent à l'est, la houle de travers secoue le catamaran, des ris sont pris, la nuit s’annonce agitée. 

Ce ne sont pas les navigations qui sont complexes, mais les entrées et sorties des abris que sont les baies, deltas et estuaires.

Sur la carte, le cordon dunaire dessine une longue couture jaune qui s’étend de Nacala jusqu’au sud. Frontière entre deux eaux, cette ligne est l’ultime limite immergée d’une immense plaine de sable qui s’enfonce dans l’océan. Le marin veille à s’écarter de la côte pour éviter deux obstacles : les hauts fonds et bancs de sables, résidus de la plaine de sable, et les pêcheurs qui trainent leurs filets sur des centaines de mètres. Leurs filets n’étant pas signalés par des balises, ils sont difficilement repérables.

Sur une carte à grande échelle, l’observateur constate qu’en réalité, la longue couture jaune n’a pas été dessinée d’un seul trait. Tous les 20, 30 ou 50 kilomètres, la couture est rompue, arrachée. Que ce soit le Zambèze -2500 km tout de même !-ou un modeste cours d’eau ayant pris sa source à moins de 100 km de l’océan, un fleuve tente de rejoindre l’océan. Deltas, baies, estuaires, sont alors le théâtre d’un conflit permanent entre le courant du fleuve qui pousse vers la mer ses alluvions et l’océan qui à chaque marée cherche à reconquérir son territoire en y déposant des bancs de sable. 

Sur les photos satellites, des volutes, jaunes, bleues et grises s’entrelacent, l’ensemble est bordé d’une épaisse ligne verte, la mangrove. La baie mozambicaine est d’une nature esthétique, voire artistique indéniable, il faut l’admettre. 

Pour le marin, y entrer, c’est une autre affaire. 

Des abris qui se méritent

La baie de Fernao Veloso ou celle de Beira sont profondes et abritent chacune un port de commerce. Pour y entrer, il faut négocier avec les courants. Voiles affalées, au moteur, les catamarans avancent en crabe. Capitaine et mousse sont vigilants, le chenal n’est pas large, les hauts fonds sont piégeants. 

2500 kilomètres de côtes, et 3 ports de commerce seulement, Maputo, Beira, Nacala, la géographie ici est explicite. Embouchure modeste ou grand delta, tous les fleuves, qui se comptent par centaines, offrent potentiellement un abri au marin. 

Encore faut-il pouvoir y entrer et y rester.

Et on comprend l’intérêt d’une embarcation légère au tirant d’eau inexistant : la pirogue. Le catamaran, du fait de son faible tirant d’eau, est de ce point de vu plutôt adapté.

Les catamarans cherchent un abri, la météo annonce un coup de vent. Le capitaine porte son choix sur la baie de Moma qui se situe à environ 230 milles au sud de Nacala. Sur la carte, on distingue deux passes, une étroite au nord, une centrale, plus large. Sur la photo satellite, les traces blanches sont bien nettes, les brisants sont repérés.

Le capitaine présente le catamaran face à la passe nord. 

Le mousse tente un « t’es sûr là ? », balayé d'un simple regard. C’est un peu comme à Capbreton, estime le capitaine.

Ce que voit le mousse : des rouleaux écumants à bâbord comme à tribord, ce sont les brisants, une eau jaunâtre, signe d’un faible fond, une plage devant, pas si loin tout compte fait. 

Ce qu’il ne voit pas : la passe. 

Ce que fait le capitaine : à la barre, il observe les vagues, leur fréquence, leur force. Inutile de se fier aux photos satellites, les bancs se déplacent au gré des tempêtes. Le capitaine engage le catamaran sur un espace où, oui, tout compte fait, il faut bien l’admettre, ça semble un peu plus calme ici. C’est la passe. Le voilier file droit, le capitaine vire bâbord juste devant la plage. Le catamaran se stabilise, il est entré dans un chenal étroit et parallèle à la plage, praticable jusqu’à la baie. 

Le mousse s’inquiète. Le sister-ship est encore loin derrière. La passe n’est pas simple, le capitaine l’admet. 

Demi-tour. Et hop, le catamaran repasse entre les brisants. La houle de face, Gégé-chamboule-tout s’invite dans le carré.

Le bateau ami est rejoint devant la passe centrale. Les étraves plongent, les capitaines manoeuvrent, surveillant sur les deux bords les brisants. Sur le sister-ship, la consœur et amie rassure son capitaine, « ça va passer ». Le mousse sur Moetera est confiant, il a compris la manœuvre. 

A la mi-journée, le vent bascule, la multitude de pirogues rentre au port, poussée par la brise marine. Les suivre est la meilleure option. Et voici deux voiliers blancs accompagnés dans la passe par une noria de pirogues à voiles noires. La Grande Parade de Brest au Mozambique ! On se salue, on s’interpelle, l’ambiance est joyeuse dans ce Grand Pavois.

Le capitaine prend en « bateau-stop » deux pirogues à pagaie. Surf et rafting à l’arrière.  

Après quelques jours passés dans cette baie, les catamarans reprennent la route. Entre Moma et Beira, le capitaine a prévu une escale. Il tentera trois entrées. Par trois fois, il renoncera.

Première tentative, une pirogue vient à la rencontre du catamaran et le guide dans la passe, étroite et en « S ». Derrière la lagune, les bancs de sable découvrent à marée basse. Moetera se pose alors que la marée n’est pas encore au plus bas. Le sister-ship, resté à l’arrière, risque de se retrouver coincé au large, les bancs apparents à marée basse barreront l’accès. On relève l’ancre, décision du capitaine, on quitte l'endroit avant de se retrouver à sec le temps d’une marée. Dommage soupire le mousse. La baie se situe dans le sud de la réserve de Marromeu, les lagunes de sable et la mangrove sont magnifiques.

Plus tard dans la journée, le capitaine présente le catamaran devant une passe qui se révèle trop étroite. Deuxième renoncement. La troisième est dernière tentative échoue, la brise s’est levée et creuse les rouleaux ; pourtant cette passe aurait pu être praticable par temps calme.

Pas le choix, la nuit tombe, on file à Beira, annonce le capitaine, ajoutant 75 milles au 275 déjà parcourus depuis Moma. Une nuit supplémentaire en mer.

À l’abri dans les baies, une nature qui tient ses promesses

A l’ancre dans la baie, à Conducia ou a Moma, les équipages profitent d’aires de jeux et de promenades exceptionnelles. D’immenses mangroves bordent les baies, les flamands roses viennent se restaurer sur les bancs de sables découverts à marée basse. Les plans d’eau sont parfaits pour pratiquer kite-surf et wing.

Les dédales dans les mangroves font le bonheur de l'auteur de ces lignes, le Nikon mitraille. Flamands roses, pélicans à bec jaune, cigognes, aigrettes, martin-pêcheurs, un festival ! De quoi consoler le mousse un peu triste de ne pas avoir croisé la moindre baleine sur la route…

À Chiloane, où le mousse rédige ces lignes, les catamarans se sont mis à l’abri loin dans le fleuve, son courant puissant fait chanter les étraves. Un bain n’est pas envisageable. 

Une annexe avec un bon moteur est vivement conseillée





 

 


 

Mozambique navigation

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