POLYNESIE FRANCAISE : Traversée Marquise - Tahiti

POLYNESIE FRANCAISE : Traversée Marquise - Tahiti

Posté par : Guylaine et Max
24 Mai 2018 à 06h
Dernière mise à jour 15 Juin 2018 à 05h
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TRAVERSEE  MARQUISES - TAHITI

 

Nous sommes le mercredi 2 mai 2018. La baie de TAIOHAE, sur la spendide île de NUKU HIVA aux Marquises, nous abrite depuis le 25 avril. Il est maintenant temps pour nous de partir vers Tahiti. Nous avons rendez-vous le 10 mai au matin avec le mécano pour réparer notre moteur qui s'est désaccouplé pendant la traversée du Pacifique. Max a réussi à faire tenir l'ensemble sur seulement 2 vis. Cela nous a permis de visiter les îles Marquises. Nous réparerons avant d'aller dans l'archipel des Tuamotu qui se trouve sur le chemin entre les Marquises et Tahiti. Les Tuamotu demandent beaucoup de moteur pour pouvoir entrer et sortir des passes. Actuellement nous ne pouvons pas dépasser 1500  tours. Un peu plus de 800 miles nautiques nous séparent de Tahiti. Nous avons 8 jours pour les parcourir.

La Polynésie française est un vaste territoire situé au milieu du Pacifique sud, couvrant 5,5 millions de km2 d'océan.  Les terres émergées de ce territoire d'outre-mer français sont regroupées en 5 archipels : les Marquises que nous avons touchés en premier venant de Panama, les Tuamutu qui sont des atolls, la Société (îles au vent et îles sous le vent), plus au sud se situent les Gambiers et les Australes. Toutes ces îles et ces atolls constituent une myriade de 120 îles, d'une superficie de terres émergées de 4200km2. C'est grosso modo la superficie de l'Europe. 

Avant de prendre la mer, nous postons nos dernières cartes postales des Marquises et nous allons saluer une dernière fois le plus grand tiki de Polynésie qui surplombe la baie.     

Avec la force ancestrale de la femme Tiki "gardienne de la tradition et du savoir", le guerrier TU HIVA s'élance pour façonner son futur.              Le TU HIVA est la sculpture contemporaine la plus haute de Pacifique. elle mesure 12 m de haut et le guerrier 8 m. 

Sur la quai, nous achetons un morceau de thon pour la route. Max connaît une délicieuse recette de saucisson de thon.

La météo annonce peu de vent avec seulement 10 noeuds, de secteur Est. Il est 9h35, l'ancre vient d'être relevée. Le moteur tourne à 1400 tours et nous hissons rapidement la grand'voile.  Nous laissons tourner le moteur en douceur pour recharger les batteries. La mer est belle avec un petit vent de 5 noeuds. A 10h45, un changement de bruit moteur nous alerte. Nous coupons tout de suite le contact. Max descend dans la cale et constate que l'un des 2 boulons restants s'est cisaillé. Il n'en reste donc plus qu'un seul et nous pensons qu'il est probablement en train de faire de même ! Plus question de se servir de la mécanique même en cas de manque de vent. A 11h00, nous sommes vent de travers, sous grand'voile et génois, au cap 237°. Notre vitesse est de 3 noeuds. C'est le début d'une longue navigation  où il nous faudra puiser dans notre réserve de patience ! 15h22, changement d'allure avec un vent arrière et 18h37 compte tenu du roulis qui fait claquer les voiles par manque de vent, nous rentrons tous les tissus ! A 20h00, nous repartons avec un petit 7 noeuds de vent que nous recevons sur notre tribord.

Ce petit vent mollira et dans la nuit du mercredi au jeudi 3 mai, ce sera à nouveau la cape sèche. Max prend un grib météo via l'iridium qui prévoit que  le vent ne reviendra que le soir aux alentours de 17h00.  Toute la matinée du jeudi 3 mai, nous guetterons la moindre risée, le moindre nuage avec l'espoir que le vent soit de retour. Max arrive à bloquer l'hélice avec un lien dynéma . Cela nous permet de mettre le moteur en route pour rechargerles batteries au point mort. Mais,  nous ne pouvons bien-sûr pas avancer sans la rotation de l'hélice qui cisaillerait le dernier boulon. A 13h30,  le vent revient un peu. Nous installons le code D, grande voile d'avant de la famille des spinakers. Notre vitesse fond est comprise entre 3 et 4 noeuds. A 15h25, enfin nous touchons du 12 noeuds de vent et un banc de dauphins vient nous distraire. C'est toujours un moment assez magique que de les voir évoluer autour du bateau. Rapides et agiles, ils nous éblouissent. Sur les coups de 18h00, ce vent mollira un peu mais restera toute la nuit aux environs de 8/10 nds, conforme aux prévisions.

Le vendredi 4 mai, sous génois, à 5h00 du matin, pendant mon quart,  j'ai le plaisir d'avoir des rafales à 6 beaufort, aux alentours de 23/ 24 noeuds. La pluie accompagne ce vent mais qu'importe d'être mouillée pourvu qu'Eole souffle.  A 5h30, le vent mollit à 3 beaufort. A 7h00, notre positions est la suivante : 10°16,28 S et 141°52,58 W. Notre vitesse est de 6 noeuds, la mer est agitée, le vent à 3 beaufort avec des rafales à 6 beaufort. Il nous reste à parcourir 431 miles nautiques pour être au nord des Tuamotu. A 12h14, nous tangonnons le génois sur bâbord et le code D à tribord. Le vent est à nouveau tombé, nous allons à 3 noeuds. Nous commençons à nous dire que si le vent ne revient pas rapidement, nous allons rater notre RV du 10 mai !

Le samedi 5 mai, à 2h dans la nuit, Max me réveille pour mettre en place le code D sur tribord et enrouler le génois. A 2h50, il rentre la GV qui bat de trop. Le vent est parti. Il reviendra une heure plus tard avec une direction trés changeante qui nous obligera à beaucoup de manoeuvres de voiles. A 19h00 ce même jour, nous sommes au près, tribord amure. Les gribs ne l'avaient pas prévu ! Nous nous dirigeons pour laisser l'île de Rangiroa de l'archipel des Tuamotu sur notre tribord. A 21h00, changement d'amure. Le vent passe à l'est. A 22h15, je rentre toutes les voiles, il n'y a plus de vent ! 23h30, le vent revient sur notre bâbord au près serré.  

Le dimanche 6 mai, à 00h45, de près serré, il passe arrière. Toute la nuit et toute la journée, nous devrons suivre toute les demi-heures à peu prés le réglage des voiles en fonction du vent et être dans l'obligation de les rentrer pour ne pas fatiguer le matériel sous les grands coups que donne la houle et le roulis puis de les déployer. Les voiles qui claquent ébranlent le gréement de façon impressionnante. Nous verrons de beaux nuages qui ne nous donneront pas de vent, malheureusement.

Le lundi 7 mai, à minuit notre position est la suivante : 13°04,80 S et 145°11,81 W. Nous faisons cap au 226° avec une vitesse fond de 3/4 noeuds. Le vent varie de 1 beaufort à 2 beaufort, de secteur N/E. Le code D est tangonné sur tribord.  Il nous reste à parcourir 102, 6 miles nautiques jusqu'à notre waypoint situé au nord des Tuamotu.  Toute la journée, nous rentrerons, tangonnerons, dé-tangonnerons le génois et le code D afin de profiter au mieux du vent. C'est sportif !

Mardi 8 mai, nous atteignons enfin notre waypoint au nord des Tuamotu. Heureusement nous aurons du vent 3 beaufort, de secteur Est pour traverser l'ensemble de l'archipel. Nous avions peur d'un manque de vent qui nous aurait fait dériver par les courants vers les récifs des atolls. Nous espérons vivement qu'il en sera ainsi jusqu'à Tahiti. Dans la nuit de lundi à mardi, Max essuiera une forte pluie avec un vent à 20 noeuds qui se stabilisera plus tard aux alentours de 10 -12 noeuds.  A 6h00, notre position est la suivante : 14°55,13 S et 146°53,57 W,  le vent de secteur ESE de 3 à 4 beaufort avec rafales à 6 nous permet une vitesse fond de 6,4 noeuds. La mer est peu agitée, sans doute adoucie par les premiers atolls des Tuamotu. Max a mis la ligne de traîne et à 8 heure le fil se déroule à grande vitesse.  Max tente de ramener le poisson.  Au moins 400 mètres de fil se sont déroulés et Max  peine. Je vais chercher l'épuisette dans la coursive en prévision du beau poisson mais en remontant  je vois ébahie, un espadon qui se débat dans tous les sens au bout de la ligne ! Je me sens ridicule avec mon épuisette  et inquiéte par cet énorme poisson ! Son rostre est long et dangereux. Sa voile entièrement déployée ! Qu'allons nous en faire ? Son rostre peut perforer une cuisse ou n'importe quoi. Je n'en veux pas à bord et d'abord où le mettre ? Il fait au moins le tiers du bateau ! Max préconise d'en faire cadeau  à Michel mon frère qui vit sur Tahiti avec sa femme Caroline, une cuisinière hors pair. Mais, heureusement, à force de cabrioles et de sauts, le fil d'acier se casse ! Au revoir espadon, et bout de ligne. Le spectacle aura été beau, saississant et distrayant.

A 13h22, nous mettons en place un autre waypoint situé au nord-est de Tahiti. Nous traversons les Tuamotu sans voir aucun atoll. Ils sont trop bas sur l'eau. Le GPS nous indique Rangiroa sur notre tribord et l'atoll d'Arutua à bâbord.  A 19h10, le vent nous lâche à nouveau mais les Tuamotu sont quasiment derrière nous. Nous prenons une allure grand largue sur bâbord pour limiter le roulis et le fasseyment du génois.

Le grib météo que prend Max dans la nuit du mercredi 9 mai,  nous annonce que la direction du vent reste inchangée mais qu'il va mollissant entre les Tuamotu et Tahiti. Nous avions mis 14 jours pour traverser les 2100 miles nautiques de l'océan Atlantique, combien en mettrons-nous pour ces 800 MN ? Nous en sommes déjà au 7ième jour ! Max rentre le génois qui fasseye de trop. A midi, il nous reste 83MN pour être au nouveau waypoint. Depuis 2 heures, nous sommes tribord amure avec le code D tangonné sur bâbord. A 17h40, code D tangonné à bâbord et GV à tribord. Nous sommes vent arrière vers la pointe Vénus de Tahiti. Le vent est de 7 ou 8 noeuds. Nous contactons notre mécano pour déplacer le RV en lui envoyant un mail via l'iridium car jamais nous ne serons à la marina demain matin. Il nous propose le 14 mai. Cela nous va très bien. Nous devrions quand même être arrivés pour cette date. J'informe également la marina et mon frère de notre retard. Il peut éteindre le moteur de sa voiture, nous ne serons pas là dans les 5 minutes. A 23h40, je réveille Max pour qu'il m'aide à rentrer le code D. Il n'y a plus de vent et le petit souffle tourne dans n'importe quel sens. C'est là que l'on se rend compte de l'utilité d'un moteur sur un voilier ! Ce qui est mineur avec un moteur, devient une vraie galère sans. 

Compte tenu du peu de vent, Je  remettrai seule le code D une heure plus tard.  Nous sommes le 10 mai. Notre vitesse est comprise en 1 et 3 noeuds grâce au courant qui nous aide.  Nous commençons à voir les lumières de Tahiti. Toute la journée sera une alternance peu de vent/ panne de vent. Nous verrons longtemps , trés longtemps même, la pointe Vénus avant de la dépasser. Mon frère nous appellera régulièrement : "bon alors vous en êtes où ? " Puis avec Caroline, ils nous suivront de visu depuis la terre lorsque nous longerons la barrière de corail. A 14h00, nous sommes à 4MN de l'entrée du port de Papeete. Nous avançons à 2 noeuds. L'impatience nous gagne, mais nous ne pouvons qu'attendre. Il nous faut dépasser le port de Papeete car la marina Taina qui nous attend, est plus au sud. A 16h10, nous devons virer à 90° après une bouée. Impossible, le bateau n'a pas de vitesse et par conséquent il n'est pas manoeuvrant ! C'est la courant qui nous pousse. Nous nous résignons à mettre le moteur. Nous ne savons pas combien de temps l'accouplement tiendra car il est retenu par un seul boulon à demi cisaillé. Entre temps nous appelons la marina. Elle ferme à 16H30 car c'est le 10 mai, jour de l'ascension qui est férié. Le moteur tourne et nous avançons. Puis c'est l'entrée de la passe Taapuna. Je suis obligée d'accélérer car le courant m'entraîne dans la mauvaise direction, la passe est étroite, les récifs tout près. La nuit tombe.  Ouf, nous sommes passés et pouvons maintenant jeter l'ancre si nécessaire. Michel et Caro nous font des grands coucous depuis la route.  Le chenal est bien délimité, les bouées sont éclairées. Nous allons jeter l'ancre. La zone de mouillage paraît bien saturée et nous ne pouvons pas nous permettre une bonne exploration. Nous jetons la pelle par 17 m de fond et 55 m de chaîne. En passant la marche arrière, j'entends un bruit de petites cuillères ! j'arrête. Nous sommes au bord du chenal, mal mouillé sans possibilité de faire autrement. La chaîne n'est pas étalée et nos voisins sont sur bouée.  Position trés inconfortable. ! Heureusement, il n'y a pas un brin de vent ! Michel et Caro nous attendent sur le quai mais nous ne pouvons pas nous réfugier dans leurs bras accueillants en laissant le bateau.Notre situation est trop précaire. Déception, les nerfs craquent et les larmes coulent. Mais ouf ! Nous sommes sains et saufs.  Nous ne dormirons que d'un oeil, réveillés au moindre bruit. Nous aurons mis 8 jours et 9 heures pour atteindre la marina.

Au matin du 11 mai, le vent se lève, étire la chaîne et nous nous rapprochons dangereusement d'un bateau. Max prend l'annexe pour aller chercher de l'aide à la marina pendant que je surveille, anxieuse, le rapprochement. Il revient au bout de 20 mn accompagné d'une barque à moteur qui nous tirera jusqu'au ponton technique de la Marina. Ca y est, nous sommes bien ficelés au ponton. Sauvés !

Après 3 semaines d'attente au ponton, "Légende du val" sera enfin réparé. Il faudra donner le tourteau de l'inverseur  à une entreprise pour qu'elle remplisse les trous des boulons qui se sont ovalisés, puis à une autre entreprise pour le surfaçage, d'où cette lenteur.

Pendant ce temps, entre 2 nettoyages de winch nous parcourons l'île et allons voir la pointe Vénus depuis la terre.

          Belle récompense de nos efforts et de nos émotions.

 

 

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