LETTRE OUVERTE SUR LOMBOK - INDONESIE.
Lettre ouverte sur Lombok
Je n'ai pas envie d'écrire un bulletin sur Lombok. Je n'ai pas envie de revivre ces longues journées d'attente animées par une lueur d'espoir qui fait tenir, qui donne le sourire. Je n'ai pas envie de raconter la perfidie d'Albert et de son miroir aux alouettes : venez disait-il, ici c'est ouvert ! Et, après nous avoir plumé les ailes, il nous gratifie de son sourire. Il faut bien vivre en cette période de crise sanitaire ! Non, vraiment il n'y a rien à raconter autour de ses mensonges et il n'y a aucune gloire à tirer de s'être fait arnaquer de quelques dollars pour venir dans un pays qui, en fin de compte est fermé.
Je ne veux rien savoir sur la beauté du paysage de cette île Indonésienne, ni de celle des rizières que je n'ai pu admirer. Je n'ai pas connu non plus le chaud baiser sanguinaire de la sangsue sur ma peau. Pourtant, poussée par la petite lueur d'espoir, une boite d'allumettes était déjà dans le sac à dos, prête à en craquer une pour chauffer les fesses à ces annélides. Je n'aurais pas à nettoyer mes chaussures de marche ni mes bâtons de la terre épaisse et collante de Lombok.
Je n'ai pas envie d'évoquer la misère des pêcheurs sur leur embarcation de fortune et je suis heureuse de n'avoir pas à me souvenir du muezzin avec son appel à la prière et de toutes ses chansons de fausset à la gloire d'allah.
Je n'ai rien à dire sur ces femmes au regard pudique et au sourire timide. Leur histoire reste un mystère, un livre fermé dont j'ai pu à peine pu entrevoir la couverture. Je n'ai pas envie de me souvenir de la crispation de Max quand il m'a vu en short sur le bateau. Je n'ai pas envie de revivre sa tension ni mon agacement !
Je ne me rappelle déjà plus les plastiques et autres détritus qui jonchent la mer avant d'aller s'échouer sur la plage.
Je n'ai pas envie de raconter cette douleur d'attendre, cet espoir vain, et l'impatience qui me prenait parfois, l'action étant d'attendre. Je n'ai pas envie de ressentir à nouveau cette frustration d'être confiné sur mon bateau pendant 3 semaines après 34 jours de mer dure.
Je ne connaîtrais pas la couleur de la terre de Lombok, ni la courbure de ses paysages car je suis capitaine et j'ai repris la route, celle de la mer, celle de l'océan Indien qui mène à la Réunion. La mer qui cabre, qui hennit, qui se parsème de grands aplats blancs, devient danger. Les alizés sont musclés et résonnent comme un fouet sur le bateau. La mer est verte d'espoir, mais elle est aussi bleue et noire, couleur hématome. Au bout de cette route, une page se tourne et un nouvel épisode de notre vie commencera.
Guylaine
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Philemon
28 Octobre 2021 - 5:55pm
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