4 – 26 août 2019 Grenada – Carriacou – Petite Martinique
Dimanche 4 août, en début d’après-midi, nous nous amarrons à Port Louis Marina. Nous consacrons l’après-midi à la préparation du bateau, puisque demain, nous accueillons notre dernier fils Etienne et son amie.
Ils arrivent alors que l’île est en pleine effervescence de préparation du Carnaval qui accompagne la fête de l’Emancipation.
Même l’accueil à l’aéroport est tourné vers cette fête : vente de tee-shirts, casquettes, bandanas, et de casques de « Jab-Jab », verre de rhum-punch…
L’émancipation est l’abolition de l’esclavage dans les colonies britanniques par la loi de 1833, devant être mise en application le 1° août 1834, et plus précisément le 1° août 1838 sur l’île de Grenada. A La Grenade, le premier lundi d’août est donc férié, pour cette commémoration qui se décline aussi dans les festivités du Carnaval. Cette année, le programme a débuté le samedi 3 août avec le Carnaval des enfants ; durant la semaine suivante, divers concours de Soca et de Calypso (musiques traditionnelles carybéennes), en vue de l’élection de la Reine du Carnaval ; dimanche 11 août est Dimanche Gras, avec spectacles et couronnement des rois et reines de Soca, du Carnaval… Enfin, les moments forts sont lundi 12 et mardi 13 août, avec le « Jouvert », à l’aube du lundi, et la parade nocturne en fin de journée et dans la nuit, avec les costumes de lumière, et mardi 13 la parade des « bands » (groupes et chars de sono) qui concourent eux aussi ; cette parade s’achève dans le stade avec un dernier spectacle et la proclamation du palmarès des « bands » en soirée.
Le Carnaval était étroitement lié, au départ à la période de Carême catholique et coïncidait avec les festivals de récolte en Afrique de l’ouest avec leurs traditions de mascarade. Avec l’émancipation en août, le Carnaval s’est transposé à cette période, (le premier lundi du mois étant « Emancipation Day », jour férié, et le Carnaval les lundi et mardi suivants, jours fériés également) dans cette île et dans quelques autres anciennes colonies britanniques.
Le « Jouvert » tire son origine dans le fait qu’à l’approche de l’émancipation, les anciens des esclaves se seraient rassemblés au plus haut point qu’ils pouvaient atteindre pour être les premiers à voir le « jour ouvert », le lever du jour nouveau, qui signifiait une nouvelle époque, celle de la liberté. Pour cette ouverture, des groupes traditionnels « Jab-Jab » ou diables, émergent de la nuit pour défiler librement dans la ville. Noircis à l’origine avec de la mélasse, et maintenant avec de l’huile de vidange, du goudron, de la graisse, coiffés de casques à cornes ; ils devaient terroriser les spectateurs avec leur apparence grotesque et leurs danses répugnantes. De nos jours, des couleurs apparaissent également, et le jeu est de venir se frotter aux spectateurs et de les noircir eux-aussi, en défilant dans les rues au son des tambours et des « steel bands » ou des camions de DJ.
Le défilé du lundi soir se pare des lumières des costumes lumineux, et la fête se poursuit tard dans la nuit.
Le Carnaval se clôture avec la grande parade du mardi 13 août : en fin de matinée, la ville se réveille doucement de ses nuits de fêtes précédentes ; tout est fermé, les magasins ont même protégé leurs vitrines de la graisse et des couleurs en appliquant des panneaux de bois devant chaque ouverture, la couleur blanche des murs du tunnel « Sendall » est maculée de traces de mains noires.
Vers midi, des personnes costumées commencent à se déplacer le long du Lagon en direction du point de départ de la parade, et les baraques le long du parcours préparent frigos, glacières et boissons, avant de mettre en route les barbecues.
Vers 14 h, la parade débute par le défilé représentant les prisons et les prisonniers aux costumes bariolés, puis les délégations d’autres îles antillaises : Cuba, Jamaïque, Saint Vincent, Sainte Lucie, Trinidad..., puis différents groupes (« bands ») chacun derrière un imposant camion D.J., aux sonos tonitruantes, avec des thématiques : la forêt tropicale « Rain Forest », les volcans, les «Français » ! (un adulte accompagnant le groupe sera fier de nous expliquer que c’est aux Français, lors de leur suprématie sur l’île, qu’ils doivent le Carnaval) … Les enfants et les adultes de tous âges forment les parades, avec des costumes suggérant les thématiques abordées ; le défilé s’arrête et danse devant des juges installés à deux endroits du parcours qui abrités du soleil sous une tente établiront le palmarès de la grande parade. A l’arrière des « bands » en compétition, le carnaval se poursuit avec le défilé des particuliers venus costumés à cette fête. Tout cela se déroule dans une atmosphère de fête de bonne humeur, sous le brûlant soleil de cette journée d’août sans nuage. Outre le camion D.J., une camionnette suit chaque « band », approvisionnant en boissons fraîches les carnavaliers ; certains sont allés jusqu’à soigner le support de boissons, en accord avec le costume, d’autres portent leurs canettes ou bouteilles en plastique dénotant avec le costume sans vergogne !
Nous rentrerons de cette journée à Saint-Georges les oreilles pleines des musiques tonitruantes des camions, et les yeux pleins des couleurs chatoyantes et des paillettes des costumes, et heureux d’avoir assisté à un tel spectacle.
Avant d’assister au dernier jour du Carnaval, nous avons navigué entre La Grenade et Carriacou avec Etienne et son amie, après avoir réparé la durite percée dans le circuit de refroidissement du moteur, puisqu’Etienne avait apporté dans ses bagages des pièces de remplacement.
Quittant Saint-Georges, nous n’avons pas manqué de leur permettre un premier bain à Dragon Bay, après avoir pris une bouée sous la pointe Molinière, pour contempler le musée de statues sous-marines. Malgré l’heure un peu tardive et le soleil déclinant, ils ont pu apprécier cette œuvre sculpturale originale et poignante.
Nous avons poursuivi ensuite notre remontée vers le nord, en nous arrêtant à mi-parcours, dans Corn Store Bay, sur Ronde Island. De grands dauphins sont venus nous saluer un bon moment à l’étrave, alors que nous venions de quitter le mouillage et que nous commencions notre remontée le long de la côte de Grenada au moteur.
Ronde Island fait partie du groupe d’îles au nord de Grenada, placée entre le « Diamond Rock », (le rocher du Diamant de Grenada, mais à l’histoire moins prestigieuse que son homonyme de Martinique),
et l’île de la Caille et les Tantes. Cette île n’est pas ronde du tout, et c’est sans doute son relief concave qui lui a valu cette appellation…
Pour l’atteindre, nous passons entre les « Sisters Rocks » à l’ouest : un groupe couvert de végétation rase, et l’autre groupe formé de rochers brillants et blancs. Le mouillage est désert, devant une plage de sable, mais les fonds sont durs et coralliens.
Nous terminions notre manœuvre de mouillage lorsqu’une grosse tortue est apparue comme pour nous souhaiter la bienvenue dans ce lieu calme : elle a pris le temps de nager en reprenant sa respiration trois ou quatre fois, le long du bateau avant de replonger et disparaître. Beau spectacle que nous avons regardé fascinés, sans bouger ! Le soleil levant nous gratifiera d’un beau spectacle aussi, le lendemain, nuages et soleil jouant des effets de lumière sur les Sisters Rocks.
Notre navigation s’est ensuite poursuivie jusqu’à Sandy Island, devant Paradise Beach à Carriacou, après une petite navigation à la voile agréable et une arrivée sur une mer bleu turquoise devant la langue de sable. La pointe nord-est de l’île nous a, une fois de plus, offert le spectacle chaque fois renouvelé de ses poissons et coraux ; le sable de l’île s’est encore enrichi de grains rouges, lui donnant des reflets rosés.
Nous n’avons pas manqué ensuite de montrer Tyrell Bay, ses chantiers, sa mangrove, son littoral, à nos équipiers. Cette fois, nous avons accepté de prendre un mouillage proposé par « Simon » le pêcheur ; nous le regretterons un peu, car il a fallu une âpre discussion pour qu’il ne nous fasse pas payer plus cher ce corps mort (pris sur un vieux moteur immergé, et très près de la plage) que les prix pratiqués par Carriacou Marine Ltd.
Pour regagner Grenada et sa côte sud, nous avons dû abandonner tout projet de navigation au vent de l’île, le vent trop faible et les courants nous contraignant à naviguer au moteur, passant entre Ronde Island, l’île Caille et Les Tantes, avant de rejoindre la côte sous le vent de l’île. Nous alternerons les moments à la voile et au moteur et retrouverons du vent au sud de Saint-Georges, à l’approche de la Pointe Saline et jusqu’à Prickly Bay. Nous avons la joie d’y retrouver Joëlle et Philippe sur « VoileOVent », qui cabotent au sud de Grenada, et viennent mouiller là pour pouvoir suivre les festivités du Carnaval.
Pour notre part, nous décidons de naviguer les jours suivants, pour faire découvrir à Etienne et Blanche d’autres « fjords » de cette côte sud, avant de revenir à Prickly Bay pour accéder facilement à la parade finale du Carnaval, mardi. Ainsi, nous gagnerons Clarke’s Court Bay, prendrons le temps de la parcourir, pour apercevoir le Chantier, Whisper Cove Marina, les bateaux alignés dans la mangrove autour de Hog Island, et mouillerons dans Petit Calivigny Marina. Nous ne manquerons pas d’aller faire un tour jusqu’à la marina du Phare Bleu de l’autre côté de la pointe Calivigny. La « caye », le récif, à l’entrée de Petit Calivigny Marina dévoilera ses coraux aux enfants, partis les explorer après un après-midi de travaux sur l’éolienne ; il s’agissait de remplacer le régulateur défaillant, Etienne ayant apporté le régulateur neuf de remplacement que nous avions commandé.
Après le temps de la fête du Carnaval, il est temps de regagner Port-Louis Marina, pour permettre à nos jeunes de faire quelques emplettes de souvenirs avant de prendre leur avion de retour. Durant ce séjour, ils auront pu apprécier la variété de la météo : nous aurons navigué sans vent, avec un peu d’air, connu des journées torrides et des journées de pluie ; ainsi le défilé du Carnaval s’est déroulé sous un grand soleil et le lendemain, orages et grains n’ont pas cessé de se succéder ! Tortues, raies, poissons coralliens, coraux auront agrémenté leurs explorations sous-marines.
Nous resterons à la marina jusqu’au 18 août, mettant ainsi à profit notre présence à Saint-Georges un samedi pour visiter le marché et apprécier l’effervescence et l’animation de cette partie de la ville, que nous avions vue endormie dans la matinée du 13 août, durant le Carnaval.
La ville de Saint-Georges est érigée sur les mornes qui plongent dans la baie du même nom, et autour des plans d’eau qu’ils délimitent. Au nord de la ville, le marché aux poissons et le centre commercial bordent la plage, et le vaste quai à paquebots ; de là, perpendiculairement, des rues étroites s’élancent à l’assaut du morne sur la crête duquel se situent l’église catholique et l’église anglicane, leurs écoles attenantes, ainsi que d’anciens bâtiments gouvernementaux aux toits détruits. Ce morne se prolonge par un promontoire sur lequel a été édifié le fort Saint-Georges, et sous lequel les Français, alors occupants de l’île, ont creusé le tunnel « Sendall » pour que le passage entre cette partie nord de la ville et la partie portuaire dans le Carénage, au sud du promontoire soit facilité : plus besoin de gravir la côte raide du morne et de la redescendre sur des rues aux trottoirs encore partiellement pavés de galets ronds (des « calades »)…
Le promontoire du fort Saint-Georges protège deux anses au sud de la ville ; la première appelée « le Carénage » est bordée de quais qui accueillent les bateaux de pêche, amarrés à couple sur plusieurs rangs, les ferries assurant les liaisons et approvisionnements de Carriacou et Petite Martinique.
Sur ces quais, pas de grosses bites d’amarrage : les chaînes ou les amarres passent sous les dalles du quai et sont fixées de l’autre côté du trottoir par une grosse cale en bois ou en fer empêchant la chaîne ou l’amarre de glisser à l’eau.
La deuxième anse, appelée « Le Lagon » déploie sa forme arrondie après les esplanades du port de commerce. Selon le trafic maritime, des camions de toute sorte attendent le long de la route pour récupérer leur chargement à l’intérieur de l’enceinte du port. Les quais laissent la place à deux ou trois cargos, selon leur taille, et l’espace pour manœuvrer n’est pas très vaste, en raison de l’avancée de hauts fonds depuis le promontoire qui ferme la baie au sud, face à l’esplanade du port. Pas de grues sur ces quais, les cargos de taille moyenne ont leurs propres grues et les conteneurs sont chargés ou déchargés un à un avec des élingues. Les escales sont de vraies longues escales ici !
Aux deux extrémités du Lagon sont situés le Yacht Club, au nord, et Port-Louis marina, au sud ; entre les deux, des voiliers, des bateaux de loisir, ou des barques colorées sont sur des bouées ou tirées sur la grève, sous les arbres.
Entre le dimanche 18 août et le lundi 26 août, nous choisissons de retourner vers Carriacou, en compagnie de Joëlle et Philippe sur VoileOVent. Les navigations entre ces îles en cette période sont relativement calmes, et nous alternons moments de voile, au près, et moments au moteur ; et si la mer qui arrive de l’Atlantique, entre les îles peut réserver des surprises, ce ne sont pas des conditions désagréables de navigation. Nous ne résisterons pas à l’envie de replonger encore une fois au milieu des poissons coralliens, et ferons une nouvelle fois escale à Sandy Island. A notre arrivée, la luminosité renforçait la couleur turquoise de l’eau, qui se reflétait dans les coques des voiliers au mouillage, les rendant teintées de bleu. Nous aurons même l’occasion de déguster un barbecue sur « Paradise Beach » ; le boat boy qui nous l’a proposé, assure le transport dans sa barque entre Sandy Island et la plage en face ; si l’aller à la tombée du jour est plein de charme, le retour dans la nuit noire à grande vitesse comme naviguent les boat boys est un rien angoissant !
Nous avons ensuite mis à profit la météo clémente de ces jours pour tenter un mouillage entre les îles au sud de Carriacou : contournant largement la pointe Southwest, et l’île « Mushroom » (qui porte bien son nom avec son chapeau de verdure à son sommet), nous longeons l’ouest de « White Island » pour mouiller à son extrémité nord-ouest, devant une belle plage de sable blanc. Cette île est surprenante, plane avec sa plage de sable blanc dans sa partie nord, et élancée avec son morne à pic au sud.
Nous resterons sous le charme de cette île, mais n’y resterons pas pour la nuit, car le changement de marée induit de forts courants et nous avons quitté l’endroit à l’approche d’un grain, et lorsque cela commençait à devenir moins confortable, pour retrouver le calme de Tyrell Bay. En effet, selon les soirées, les bars et restaurants du bord de mer proposent des animations musicales ; un soir un saxophone et une trompette se sont mis à jouer en duo se découvrant l’un l’autre mais apportant de la sérénité dans la soirée ; le jeudi soir, le restaurant Frogs propose un apéritif « bœuf » où les plaisanciers apportent leurs instruments et mettent en commun leurs talents pour des moments musicaux sympathiques ; lors de notre passage, guitares, accordéon, violon, percussions et tambourin, ainsi que flûte à bec ont joué ensemble, pendant que nous rencontrions des marins aux vies riches. Un autre soir, dans un autre restaurant, un groupe a repris le répertoire « classique » des Beatles ou des Pink Floyd…. Et toute la rade peut en profiter…
Lors de ce séjour à Tyrell Bay, nous avons aussi décidé de prendre le temps de louer un taxi pour qu’il nous permette de faire le tour de l’île en nous en montrant ses particularités. Notre chauffeur et guide Lincoln nous a permis de comprendre l’organisation particulière des « villages » : ce sont souvent d’anciennes plantations de « lime » (citron vert), de coton ou de canne à sucre, voire de tabac, et ils portent le nom du propriétaire : ainsi Harvey Vale, le village derrière Tyrell Bay, ou d’autres villages comme Dumfries ou Bogles. A Dumfries, l’Etat a redistribué les terrains en laissant une partie agricole, et en permettant l’habitat sur une autre parcelle.
A Bogles, c’est le propriétaire de la plantation qui a donné les parcelles à ses anciens esclaves ou ouvriers, avant sa mort. L’aéroport Lauriston tire également son nom du propriétaire de la plantation du lieu. La piste a servi de route jusqu’à Hillsborough, en venant de L’Esterre jusqu’en 2000, date à laquelle on a aménagé une route contournant la mangrove et l’aéroport. La maison du propriétaire et celle du contremaître étaient situées en hauteur de manière à voir ou surveiller l’ensemble de la plantation. Ainsi à Harvey Vale, l’école est construite sur l’emplacement de ces anciennes constructions, et « domine » la vallée agricole jusqu’à la plage de Tyrell Bay. Il n’est pas rare de trouver des ruines de moulins, de fours.
A d’autres endroits, les maisons ont été reconstruites, mais on a gardé les traces des anciennes bâtisses, avec les restes des escaliers ou des soubassements en pierres.
La seule ville de l’île est la capitale Hillsborough : deux avenues et six rues ! Mais une certaine effervescence le matin avec le marché, de nombreux commerces, des hôtels, dont certains de luxe, les administrations (office du tourisme, police, immigration et douanes), l’unique station essence de l’île et la gare routière : une ligne desservant le nord de l’île jusqu’à Petite Carénage, une autre, le sud vers Harvey Vale et une troisième traversant l’île d’ouest en est dans sa partie la plus étroite.
La trace de la présence française dans l’histoire de ces îles se retrouve ici aussi dans les appellations des lieux : Bellevue, Belmont. Au nord l’anse de Petite Carénage doit son nom au fait que l’on y échouait les bateaux sur le sable pour les caréner. Des écossais ont aussi marqué de leur empreinte leur venue à Carriacou ; ils se sont installés dans Watering Bay, au nord-est, et le village de Windward perpétue encore la tradition de construction de bateaux « pays » : voiliers ou bateaux de pêche, ils sont construits en bois, du cèdre blanc, essentiellement, (malheureusement importé de nos jours), et sous les cocotiers on trouve ces carènes en construction, et tout autour les bois choisis pour leurs formes adaptées aux contraintes de la construction.
De nombreux rites sacrificiels accompagnent les étapes de la construction du bateau. Les maisons en bois gardent aussi leur marque écossaise, ainsi que les noms sur les tombes…
De Windward, nous avons une belle vue sur Petite Martinique, l’île la plus septentrionale des Grenadines de Grenade ; vivant de la pêche, les habitants de Petite Martinique sont réputés pour pratiquer également de la contrebande à l’aide de leurs embarcations, du fait de la proximité au nord, des îles Grenadines de Saint Vincent…
D’après notre chauffeur, la démarcation entre le territoire de Grenada et le territoire de Saint Vincent serait le parallèle 12° 50 de latitude nord ; en fait, après examen des cartes, c’est une vision très approximative, puisque la pointe nord de Carriacou est aux alentours de 12° 32…. latitude de la pointe sud de Petit Saint Vincent qui appartient à Saint Vincent !
Notre tour de l’île aurait été incomplet si nous n’étions pas passés par Belair : comme son nom l’indique, l’endroit est venté, et a été de ce fait, choisi pour l’édification de l’hôpital, le 15 octobre 1907 ; équipé de 20 lits, son emplacement aéré permettait de soigner choléra, fièvre jaune et autres maladies dues aux moustiques. Détruit par l’ouragan Janet en 1955, il fut reconstruit et renommé Princess Royal Hospital, en souvenir de la visite de la princesse royale en 1960. Il est aujourd’hui équipé de 32 lits, avec une maternité, une unité pédiatrique, et un service d’urgences… La vue depuis le parking est une belle plongée sur Hillsborough, sa plaine, agricole, plus loin la mangrove de Lauriston, Paradise Beach et les îles de Sandy Island et de Mabouya. Cette dernière aurait servi de lazaret lors d’une épidémie de peste. Des canons tournés vers la baie, rappellent la présence anglaise durant de longues années.
L’île de Carriacou n’a pas de sources, et comme à Mayreau un collecteur d’eau de pluie a été édifié sur une hauteur au-dessus d’Hillsborough, dont l’accès était très règlementé.
De nos jours, il ne sert plus guère que pour les lessives ou pour le bétail, car les maisons sont toutes équipées de citernes individuelles récoltant l’eau de pluie des toits. De plus, une centrale de désalinisation d’eau de mer complète l’approvisionnement en eau et répartit sa production dans deux réservoirs, l’un sur la côte nord-ouest, l’autre sur la côte nord-est, d’où par gravitation l’eau dessert les maisons.
L’habitat est très dispersé et de nombreuses belles maisons restent fermées. Notre chauffeur nous a expliqué que de nombreuses familles de Carriacou vivent et travaillent loin à l’étranger ; les parents reviennent faire construire une maison de villégiature ou pour leur fin de vie, mais à leur décès, les enfants restés au loin ne viennent plus.
Ce tour de Carriacou en voiture nous a plu et nous décidons de naviguer jusqu’à Petite Martinique ; au près, dans une petite brise d’est-sud-est, nous nous approchons de Palm Island, puis virons de bord et nous éloignons des îlots Morpion et Punaise, évitant ainsi leurs bancs de sable. Nous mouillons dans Albert Bay, devant Petit Martinique, et admirons, les paysages : la plage qui s’étire devant nous, les nombreux bateaux de pêches aux belles couleurs, et plus au nord le sable blanc de Petit Saint Vincent.
Les fonds sont durs, il y a du courant, notre mouillage dérape doucement, charriant avec lui les coraux morts du fond… Nous ne resterons pas plus longtemps que le temps de déjeuner devant ce beau site.
Nous repartons vers Tyrell Bay, et passant au nord de Windward et de Petite Carénage, nous admirons les couleurs turquoises de l’eau marquant ainsi la différence entre la pleine mer et les récifs, sur lesquels sont échoués de petits cargos rouillés.
Durant toutes ces navigations, nous avons essayé de comprendre d’où venait le sifflement de notre arbre d’hélice ; nous avons démonté l’alternateur d’arbre, mais le sifflement se produit toujours, nous avons remonté l’alternateur d’arbre en détendant légèrement la courroie ; le sifflement se produit plus rarement…
Dimanche 25 août, nous surveillons attentivement l’évolution d’une dégradation annoncée, pour le moment, comme tempête tropicale : Dorian. Sa trajectoire ne devrait pas passer loin de Carriacou, et des bateaux commencent à entrer dans la mangrove. Une étrange atmosphère règne sur le plan d’eau : au matin, c’étaient de nombreux voiliers qui prenaient la mer vers le sud, parfois en convoi ; dans l’après-midi, les bateaux au mouillage, les plus proches de la plage appareillent vers la mangrove ; le plan d’eau se vide peu à peu et l’on voit de plus en plus de mâts derrière les palétuviers. Le trimaran, atelier de soudure, est convoyé également, ainsi que des voiliers sur corps-morts et inhabités : c’est une belle entraide.
Ce sont les effets secondaires de forte houle qui sont à redouter dans cette partie sud de la baie. Ce lent mouvement de repli vers la mangrove nous angoisse un peu : nous avons choisi de regagner Saint-Georges et sa marina demain lundi ; d’après les prévisions, la dépression devrait arriver dans la nuit de lundi à mardi. Il est trop tard pour partir, mais nous sommes prêts à appareiller si les prévisions évoluent.
La nuit nous paraîtra agitée, avec des grains et du vent, mais ce n’est pas le passage de Dorian.
Nous appareillons tôt lundi 26 août au matin, pendant que d’autre voiliers de la rade se mettent à l’abri dans la mangrove ; la mer est chaotique, le vent faible ; nous gagnons Port-Louis Marina au moteur. Une fois à notre place, nous amarrons solidement le bateau avec nos amarres à ressorts, fixons le gréement pour être parés à une éventuelle nuit agitée du fait des retombées du passage de Dorian, qui a orienté sa route vers le nord. En fait, pour nous, ce sera une nuit parfaitement calme, mais la Martinique a eu de fortes pluies et du vent, et Dorian a poursuivi sa course en se renforçant en ouragan de catégorie 5 ravageant les Bahamas….
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