Le Marin – Martinique 10 – 22 mai 2019
Les péripéties de notre retour de Métropole, le vendredi 10 mai (retard d’avion nous empêchant ensuite de rejoindre Nissos sur bouée, car fin des horaires de travail des employés de la Marina), nous ont permis de découvrir une chambre d’hôtes très accueillante, sur les hauteurs au-dessus du Marin, et de passer une nuit reposante ; Au Ti’Punch, Sandra et Marc nous ont offert gentillesse et qualité d’accueil. Au réveil, nous découvrons le cadre de notre hébergement : une maison adossée au Morne Sulpice, en balcon au-dessus des vallons agricoles cachés au nord-est du bourg du Marin, derrière un rang de collines qui plongent dans la mer.
Le Marin est devenu notre port d’attache dans cette région des Antilles. Située au fond du Cul-de-Sac du Marin, la marina du Marin (en deux parties, ancienne marina et nouvelle extension), est une des plus importantes bases nautiques du sud des Caraïbes. A chacun de nos passages, nous avons été très bien accueillis et le personnel sur l’eau est patient et très professionnel. Certaines prises de bouée par fort vent de travers sont parfois délicates et les marins sont toujours placés au bon endroit, pour aider à la manœuvre des bateaux. A terre, on ne ménage pas ses pas entre la nouvelle extension (la capitainerie, différents chantiers et services nautiques, et bars et restaurants) et l’ancienne marina, longeant les appontements des accastilleurs, gréeurs, soudeurs, le club nautique de voile légère, avant d’atteindre les commerces et les autres shipchandlers installés le long des premiers pontons.
En bord de mer, de petits immeubles récents sont construits le long de la nouvelle extension, tandis que le marché, l’hôpital bordent l’ancienne marina. Le reste du bourg est accroché sur les mornes : accéder à l’hôtel de ville, aux douanes, à l’église, ou au reste du bourg et ses commerces épars, n’est possible qu’au prix de quelques rudes montées avant de redescendre dans le vallon derrière la première ligne de mornes. Si l’on veut éviter ces montées, on contourne le bourg par le vallon formé par le marigot qui s’écoule jusque dans la baie à l’ouest.
Ancien bourg de pêcheurs, un des premiers lieux habités par les colons français dès 1731, Saint Etienne du Marin se caractérise par ses rues étroites, bordées de cases en bois, plus ou moins occupées et entretenues, de maisons en dur, de ruines de bâtiments en pierre, qui rappellent que des cyclones ont particulièrement touché le bourg en 1891 et 1903.
Quelques vieilles demeures (« habitations »), en bois, plus importantes sont préservées, avec leur parc, entre les routes et les centres commerciaux rappelant que la commune s’est, un temps, tournée vers la production sucrière.
La moindre parcelle abandonnée, est vite envahie par une végétation exubérante et colorée.
Bâtiment remarquable, en promontoire au-dessus de la baie, l’église de Saint Etienne du Marin, construite en 1776, se caractérise par sa double façade : celle du porche d’entrée de l’église, où la statue de Saint Etienne veille sur le bourg et la baie, et celle du clocher attenant.
En pierres de taille, la nef unique est claire grâce aux fenêtres sans vitre, à persiennes de bois (éventuellement fermées par des volets intérieurs de bois plein) et une voûte en bois, en forme de carène de bateau, rappelle que la ville est tournée vers les activités maritimes. De nombreux lustres en cristal tintent, balancés par le vent.
Derrière l’église, descendant la pente la moins abrupte du morne jusque vers le marigot, le cimetière dont le mur d’enceinte est mis à bas par endroit montre un enchevêtrement de tombes accrochées à la pente.
Au nord-est, jouxtant le bourg, juste après la pointe et la mangrove où sont installés les bateaux de pêche, une anse profonde appelée l’anse du Carénage accueille les chantiers de mise à terre des bateaux pour la saison cyclonique, d’anciens bâtiments industriels, et des centres commerciaux accessibles aussi en annexe, pour les bateaux au mouillage.
Juste derrière l’ancienne marina, l’hôpital évoque assez bien le passé du bourg : une frise « historique » orne le mur d’enceinte rappelant les différents peuples habitants de cette île, et les dates fondatrices de ce qu’elle est actuellement ; dans l’enceinte, un premier bâtiment semble faire mémoire des hôpitaux anciens, tandis que des bâtiments plus récents derrière, accueillent les patients.
La plage, au pied du bourg, entre le marché et l’église, est le lieu d’activité des yoles : ces longues et fines embarcations, à voile carrée gréée sur un mât unique avec livarde, se mettent à l’eau depuis la plage.
Une quinzaine d’équipiers compose son équipage fort et agile : un, deux ou trois hommes sont en charge du gouvernail : vaste rame placée au milieu du tableau arrière, ou sur un de ses côtés, selon le vent, la gîte ou la route à suivre, calé entre deux pinoches, ce gouvernail rappelle ceux des galères romaines ou des trières grecques, au maniement difficile. (Rappelons-nous nos leçons d’histoire : les grandes découvertes ont été rendues possibles grâce à trois inventions : la boussole, l’octant, et le gouvernail d’étambot, tel que nous l’utilisons encore de nos jours.)
Chaque virement de bord des yoles est accompagné du bruit de bois que l’on déplace, et de cris d’encouragement. Car, outre les « barreurs », les autres équipiers sont occupés à régler la gîte du bateau en jouant sur l’écoute de la voile, mais surtout en faisant contre-poids au-dessus de l’eau, accrochés à des espars placés rapidement d’un bord ou de l’autre. Pour réussir cette manœuvre de virement de bord, il est souvent nécessaire de faire « culer » le bateau pour franchir le lit du vent, sa vitesse seule ne le lui permettant pas.
Colorées, des yoles de toutes tailles s’entraînent devant la plage du Marin, traversant le chenal d’accès à la marina, et procurant un beau spectacle. Chaque année, une compétition rassemble les yoles pour le Tour de l’Île : le départ est donné sur la plage, les équipages s’élancent, poussent leur yole dans l’eau avant d’embarquer pour la régate. Cette année, le 35ème Tour devrait se dérouler entre le 28 juillet et le 4 août, et suivre un itinéraire autour de l’île de La Martinique dans le sens inverse des aiguilles d’une montre depuis la côte Atlantique, avec des étapes journalières. A voir le spectacle de deux ou trois yoles dans la baie du Marin, on imagine que celui du Tour doit être magnifique sans compter l’ambiance au bord de l’eau !
Le Cul-de-Sac du Marin, est une baie profonde orientée sud-ouest nord-est, et pour accéder à la marina, on suit un chenal de plus de deux milles nautiques, balisé entre bancs de sable et « cayes » (récifs coralliens) à fleur d’eau. Repérables facilement par le changement de couleur de l’eau, ils sont aussi signalés par quelques épaves échouées.
Des mangroves bordent la baie et dans la partie est-sud-est, de nombreuses petites anses, trous à cyclone se laissent deviner au fur et à mesure que l’on progresse à l’intérieur de la baie. Nous avons pris le temps, un matin de découvrir en annexe ces trous à cyclone ; des mâts sont visibles derrière les palétuviers et en contournant la mangrove, on découvre des voiliers ancrés et amarrés aux arbres, dans les creux des anses, la végétation couvrant en partie les embarcations.
Pour sortir du premier trou à cyclone, juste derrière la pointe du Marin, on peut soit rebrousser chemin, soit passer sous un tunnel de palétuviers entre l’îlet Baude et la terre, à la rame ; tout d’un coup, dans un silence total, on glisse entre les racines garnies d’huitres, dans la verdure, sous un feuillage tamisant la lumière du soleil. Nous parcourons les trois trous à cyclone, découvrant des voiliers habités, d’autres à moitié coulés, pillés, marqués par l’humidité du lieu. Des bouées flottent aussi dans ces anses, rappelant que ces zones devraient n’être que des zones de refuge pour pouvoir abriter le plus de bateaux possible en cas d’alerte cyclonique. Mais le calme des lieux et la proximité, en annexe, du Marin, font comprendre que certains choisissent ces baies pour mouiller à demeure ! Longeant la mangrove, en remontant vers le nord, après le dernier trou à cyclone, un passage s’ouvre dans la mangrove : « le Canal O’Neil » ; nous nous y engageons à la rame, pour ne pas troubler l’endroit ; sous une voûte de palétuviers, nous avançons dans une eau vert-marron, entre les racines plongeantes, formant comme un rideau de bois, entendant mille oiseaux cachés dans les frondaisons. Au ras de l’eau, le long des racines, des huitres noires filtrent cette eau, et de petits crabes jaune-vert montent et descendent sur ce grillages de bois.
Après 300 mètres sous cette verdure, nous faisons demi-tour, impressionnés et fascinés par l’atmosphère qui y règne. Nous devinons bien au-loin derrière, la route qui passe devant la Préfecture et aboutit à un terrain de foot, mais nous ne pouvons rien voir d’autre que les palétuviers et ne saurons pas vers quel marigot mène ce canal…
A notre retour de Métropole, le 10 mai, nous avons ressenti comme une nouvelle atmosphère : nous avons changé de saison, quittant « le Carême » (saison sèche de décembre à avril) et sommes entrés en « hivernage » (saison humide de mai à novembre). En effet, une chaleur moite et un ciel brumeux nous accueillent : ce sont les brumes de sable. Transportés par les alizés, ces sables viennent du Sahara, dans une atmosphère lourde et humide. Pour l’instant, peu de pluies accompagnent ces brumes et les Martiniquais déplorent une grande sécheresse. De fait, les arbres se dénudent pour survivre, et rares sont ceux qui osent quelques jeunes feuilles ; les forêts dévoilent un peu des reliefs que les rideaux de verdure cachaient auparavant. Paradoxalement, avec ce retour de la chaleur, les bougainvillées qui n’avaient cessé d’avoir quelques fleurs jusqu’à présent, sont couverts de bouquets pourpres, violets, rouges, orange, blancs ; les frangipaniers déploient leurs fleurs fuchsia, blanches, blanches et roses, aux pétales si élégamment placés en éventail autour du pistil ;
les amandiers ont perdu leurs feuilles rouges d’automne au profit de larges feuilles vertes et sont couverts d’amandes vertes ; les flamboyants flamboient, leurs frondaisons offrant des ombrelles aux bouquets de fleurs rouges, orange, jaunes, qui font le bonheur des colibris.
Nous avons pris le temps d’une escapade en voiture jusqu’à Grand’Rivière, au nord de l’île de La Martinique, et dans chaque virage, en fond de vallon, les fleurs rouges de balisiers apportaient leur tâche écarlate au vert de leurs grandes feuilles. Grand’Rivière est le dernier bourg au nord, accessible par la route qui longe l’Atlantique. Adossé aux falaises, au débouché d’un vallon, sur une courte plage, le bourg de pêcheurs est exposé aux vents de l’Atlantique. On aperçoit l’île de La Dominique, au large. La plage de sable noir où les pêcheurs tiraient leurs barques est protégée par une forte digue, mais le port ainsi créé est ensablé à son entrée. Le spectacle d’un voilier amarré au milieu du port, au-delà de la langue de sable, avec comme seules voisines les barques de pêche, est assez surprenant !
Sur un promontoire au-dessus de l’eau, l’église et un oratoire à Notre Dame des Marins, veillent. Le long de la rue qui monte à l’église, de petites constructions s’appuient sur le rocher, joliment peintes, apportant de la gaieté sur la roche grise.
Au cours de cette escapade, nous avons pu rendre visite au Père Fortuné Gibbon, dans sa paroisse de Schoelcher, pour lui transmettre le souvenir du Père Pierre Gérard de Saint Victor à Marseille ; ils s’étaient préparés ensemble à leur ministère au séminaire ! L’église de Schoelcher est imposante, sur un promontoire, elle aussi, au-dessus de la plage et Notre Dame de la Nativité semble veiller sur les marins et les terriens !
La raison de cette journée de tourisme a été l’expédition de notre pile à combustible auprès d’un concessionnaire en Guadeloupe, pour réparation. En effet, lors de la remise en route du bateau, il a fallu rajouter du liquide de service, afin de lancer la production d’électricité, mais malgré cela la pile n’a pas redémarré. Après plusieurs échanges téléphoniques, nous avons convenu de cette réexpédition pour tentative de réparation, ou du moins diagnostic… Nous voici donc privés d’un fournisseur d’énergie.
Durant ce temps au Marin, notre escale technique s’est concentrée autour de l’installation des nouvelles voiles. Un nouveau génois et une nouvelle grand-voile commandés fin mars, sont arrivés en notre absence. Nous avons récupéré nos cartons un par un et avons mis à profit l’accalmie du petit matin pour dégréer la grand-voile et gréer la nouvelle, puis gréer le génois, avec tous les petits ajustements nécessaires. Les nouvelles voiles sont à poste, il nous tarde de partir naviguer pour apprécier les bienfaits de cet investissement !
Le calme du matin nous a aussi permis, enfin, de replacer notre spi dans sa chaussette, et de ranger le tout dans son coffre. Depuis notre mésaventure durant la traversée, tout avait été placé en vrac dans son coffre, sans que nous ayons de l’espace et peu de vent pour effectuer ce rangement…
L’installation du nouveau génois nous a permis de constater que des têtes de rivets assurant la fixation de l’enrouleur sur le tambour avaient sauté. Le chantier Amel s’est gentiment vite rendu disponible pour les remplacer et vérifier le système de fixation de l’enrouleur.
Après un mois d’immobilisation dans la baie du Marin, la coque avait bien besoin d’un grattage complet pour pouvoir glisser aisément sur l’eau.
Un plongeur nous a rendu ce service, travaillant trois bonnes heures, en apnée, sous la coque, autour du safran, de la quille et de l’hélice. Cela nous permettra de rejoindre l’île de Carriacou, dans les Grenadines de Grenade, où nous ferons faire un carénage, avec un bateau pas trop ralenti par sa coque.
Après les derniers approvisionnements, nous quittons le Marin à destination du sud des Antilles, vers les Grenadines de Saint Vincent, et les Grenadines de Grenade. Philippe et Joëlle, qui viennent eux-aussi de rentrer de Métropole, nous accompagnent sur VoileOvent pour cette nouvelle navigation de découvertes !
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