23 avril – 20 mai 2020 Fin Confinement - Sainte Anne
Après le départ d’Emmanuelle et Damien, notre confinement se poursuit au mouillage à Sainte Anne.
Autour de nous, les bateaux amis sont toujours là : « Eloyse », avec Cathy et Pierrick ; « Shangri La 3 » avec Joëlle et Philippe ; « Moai » avec Aurore, Pascal et leurs enfants Lucas et Eva ; et « La Balluch’ » avec Sandrine et Yves.
Nos voisins allemands patientent eux aussi, toujours très courtois, nous saluant lorsqu’ils passent en annexe et préparant leur bateau pour la transat retour. Lorsque sera venu le temps pour eux de lever l’ancre, ils passeront dire au revoir à chacun des voiliers voisins, et nous les saluerons lors de leur appareillage pour leur souhaiter une bonne navigation.
Nos journées sont rythmées par le passage de Karoline, tôt le matin, qui succède à Juliette et Guerric pour la livraison du pain, fruits et légumes et autres saveurs. Ensuite, nous maintenons notre réserve d’eau au plus haut grâce au tuyau du ponton de Sainte Anne ; ainsi nous partons en annexe avec nos deux jerricans de 20 litres et notre seau avec vaporisateur d’eau de Javel et chiffon, pour désinfecter tuyau, robinet, échelle….
Puis, nous trouvons toujours quelques travaux d’entretien à effectuer pour le bateau : nettoyage de la ligne de flottaison qui se salit bien vite, de l’hélice ou de la chaîne ;
rinçage et lustrage des vernis intérieurs ; nettoyage du cockpit au polish, nettoyage de la porte coulissante.
Après la sieste, le bain de l’après-midi permet de prendre des nouvelles des uns et des autres ; nous nageons de bateau en bateau et apprécions les échanges qui nous permettent de nous connaître davantage, et de partager les soucis et les bonnes nouvelles. Ainsi, nous avons suivi avec intérêt, les aventures de Sandrine et Yves, en interrogation pour acheter un catamaran, jusqu’à ce que l’expertise dévoile trop de défauts et suspende ce projet ; et nous suivons toujours les pérégrinations de la machine à coudre commandée aux Etats-Unis, en début de confinement, et qui se promène à travers le monde avant d’être livrée sur « La Balluch’ »…
Les amis plus éloignés ne sont pas oubliés non plus, et nous échangeons régulièrement des nouvelles avec Claudie et Hervé, sur « Happy », confinés à la Marina Bas du Fort à Pointe à Pitre, ou Madeleine et Georges, au mouillage à Petite Anse de Bouillante, en Guadeloupe, également. Chacun vit un confinement différent : Claudie et Hervé, après la déconvenue de devoir rester bloqués dans un port, passent des moments conviviaux avec les voisins de panne, bloqués comme eux, pour la même durée. Madeleine et Georges se plaisent dans la Petite Anse, sur la côte ouest de la Basse Terre de la Guadeloupe, et les locaux leur permettent de s’approvisionner. Ils créent de nouvelles amitiés au point d’envisager de s’installer à terre dans cet endroit.
Pierrick nous a même créé un groupe WhatsApp qui nous permet de maintenir le lien, de partager les perles humoristiques glanées çà et là…
Les réseaux sociaux (le Cruiser net, Facebook et le groupe « Voiliers confinés en Martinique », notamment) nous permettent également de partager interrogations et avancées en matière de droit de navigation. Ainsi, nous apprenons qu’en Dominique, un voilier français qui faisait route vers Antigua a été arraisonné, de nuit, par les garde-côte, pour être rançonnés. Les propriétaires ont fait appel au CROSS Antilles Guyane, qui a survolé la zone en hélicoptère, et a permis de mettre fin à cette action. Cela fait deviner l’état de l’île, privée de toute activité touristique et donc d’entrée de devises…
Nous suivons de près l’actualité des îles du sud de l’arc antillais ; en effet, à l’approche de la saison cyclonique, très nombreux sont les plaisanciers qui prévoient de rallier Grenade, Trinidad ou Tobago, soit pour continuer à naviguer, soit pour tirer le bateau à terre durant cette saison. Nous apprenons que le chantier de Rodney Bay, à Saint Lucie, a annulé tous les tirages à terre de bateaux étrangers ; l’île annonce rouvrir ses frontières uniquement par voie aérienne et uniquement pour des avions provenant des Etats-Unis et ne parle d’ouverture aux plaisanciers que pour début août. A Carriacou, le chantier de Tyrell Bay cherche à mettre en place une solution de convoyage pour permettre aux plaisanciers de venir faire tirer leur bateau à terre et regagner la Martinique sans avoir à débarquer sur l’île. Le gouvernement de Grenade, pour sa part, a beaucoup communiqué sur le sujet et envisage de mettre en place une procédure à suivre d’inscription, de dépistage, de quatorzaine, dans une zone précise de la rade de Saint Georges, pour permettre aux chantiers de travailler, d’honorer les rendez-vous déjà pris, et aux plaisanciers de trouver des solutions pour leurs bateaux (qui parfois ne sont pas couverts par leurs assurances, hormis tirés à terre). Côté Martinique, le nombre de cargos transportant des bateaux pour la transatlantique retour a très nettement augmenté. De nombreux plaisanciers abandonnent leurs projets de navigation antillaise et reviennent sur le vieux continent. Nous avons vu ainsi entrer et ressortir chargés de bateaux, dans la baie du Marin, quatre cargos, et nous savons que deux autres sont attendus…
Si nous donnons l’impression de vivre un confinement « tranquille », ce qui n’est pas faux, la surveillance par hélicoptère ou en vedette de police ou des Affaires Maritimes ne se relâche pas. Il est arrivé, lors d’un aller-retour au Marin, en annexe, pour achat de matériel nautique, que le semi-rigide de la gendarmerie maritime nous interpelle et vérifie les attestations et la validité du motif de déplacement…
Heureusement que pour approvisionnement, le temps n’est pas limité à une heure, puisque nous comptons déjà une bonne vingtaine de minutes de trajet ! D’ailleurs, au retour, nous nous saluons de loin, sans plus de souci…en fin de confinement, nos attestations résumeront bien nos déplacements. En effet, à bord, il ne pouvait être question d’imprimer une attestation pour chaque sortie…
Cette période d’immobilisation forcée est propice à l’observation des cycles de la nature. Chaque jour la course du soleil s’allonge et s’élève : courant mars, le soleil disparaissait à l’horizon au niveau du rocher du Diamant, (vers le 270°) et nous pouvions espérer apercevoir le rayon vert ; puis en avril, il disparaissait derrière les premiers mornes côtiers et en mai le ciel s’embrasait au-dessus des mornes et hauteurs à l’intérieur des terres (passant jusqu’au 310°).
La saison sèche s’avance, avec quelques rares grains, quelques journées laiteuses, avec brumes de sable, et la forêt sèche de bord de mer perd ses feuilles, les pâtures jaunissent. C’est le temps pour les flamboyants de se couvrir de fleurs, et petit à petit les mornes se couvrent de tâches rouges, orange, ou jaunes ; les bougainvillées les accompagnent ainsi que d’autres espèces, chacune apportant sa touche vive au milieu des bosquets qui ont perdu leurs atours verdoyants.
Les tortues viennent parfois reprendre souffle non loin des voiliers, mais c’est toujours un instant fugace ; en de rares occasions, nous en avons vu au fond de l’eau, mais, nos baignades les dérangent et elles s’éloignent rapidement, nageant majestueusement. Les raies sautent parfois hors de l’eau, mais c’est surtout le soir, à la nuit tombée, que l’on entend des bruits impressionnants de plongeon et de chasse entre poissons. Certains jours, le soleil éclaire bien les fonds et les poissons coralliens qui jouent dans les rochers, entre les bateaux dévoilent leurs belles couleurs. Un gros diodon nage nonchalamment près de la chaîne, une bécune à bouche jaune (sorte de barracuda) attend devant un rocher que sorte sa proie….
Le samedi 9 mai, une grande effervescence règne dans les rues de Sainte Anne ! Les magasins se préparent à rouvrir, dans les épiceries, l’atmosphère se détend.
Lundi 11 mai, c’est la fin du confinement, mais l’interdiction de naviguer demeure, sauf motif exceptionnel…
Nous prenons une place au port pour les 12 et 13 mai ; nous retrouvons de l’animation sur les quais : des catamarans charters finissent leur grande révision avant l’appareillage pour une transat retour (avec quatorzaine au préalable au mouillage). Nous pouvons aller régler nos factures (achat lors du confinement d’interrupteurs-disjoncteurs), le mécanicien peut venir remonter le deuxième alternateur et nous pouvons lui régler son intervention restée en suspens depuis début mars. Nous louons une voiture afin de prévoir des approvisionnements importants, puisque nous ne savons toujours pas à quel moment nous pourrons repartir naviguer, et nous accompagnons ainsi Cathy et Pierrick à Fort-de-France pour qu’ils récupèrent une voiture qu’un ami leur prête.
Nous retrouvons notre place au mouillage le 14 mai, et notre vie se poursuit sans grands changements : Claudie et Hervé, sur « Happy », ont réussi à quitter la Guadeloupe en raison d’une réparation prévue au Marin, sur le vérin de leur pataras et nous ont donc rejoints ; le samedi matin, les pêcheurs viennent toujours relever les casiers entre les bateaux.
En attendant de pouvoir naviguer, nous partons en voiture, avec Cathy et Pierrick, tous les après-midi, à la découverte des petits chemins autour de Sainte Anne ou des points de vue sur la côte :
Vendredi 15, nous nous perdons en direction du Cap Chevalier et après un chemin très chaotique, nous découvrons un beau panorama au-dessus du Cul-de-Sac-de Ferré et de l’Anse du Four à Chaux.
Rebroussant chemin nous poursuivons jusqu’à la pointe Faula au Vauclin. D’ordinaire grand lieu de rassemblement des adeptes de la glisse et du vent, elle reste agitée par le seul vent de l’Atlantique, qui apporte des sargasses ! les paillotes, bars et restaurants sont fermés, même les casiers des pêcheurs attendent d’être utilisés…
Samedi 16 mai, nous découvrons le centre du François, avec sa place où l’église moderne fait face à une vieille demeure coloniale occupée par la Police municipale.
La façade de l’église est ancienne et une construction circulaire, en briques, la complète.
Un petit tour jusqu’à Tartane sur la presqu’île de la Caravelle nous permettra de monter jusqu’à son phare, pour admirer ce paysage si particulier : forêt sèche, mornes et anses profondes, « protégés » de la forte houle atlantique par des barrières de corail.
Dans la forêt sèche, certains arbustes, pour résister à la sécheresse, revêtent des couleurs d’automne…
Dimanche 17 mai, nous monterons au Morne Gommier, qui marque l’entrée de la baie du Marin, au nord, et de là pourrons admirer le site exceptionnel de la baie de Sainte Anne, et ses nombreux bateaux,
et de la baie du Marin, avec ses trous à cyclones dans la mangrove.
Nous passons par Rivière Grand Fond, prenons l’allée de cocotiers qui mène, entre des champs, vers l’ancienne usine du Marin : un vaste domaine où la sucrerie a fonctionné jusque vers les années 1970 (récoltant les cannes du Marin, et de Sainte Anne). Certains champs de canne à sucre sont devenus de vaste pâtures où vaches brahmanes, veaux et taureaux cohabitent ; à d’autres endroits des pâtures de l’année dernière sont couvertes de jeunes plants de canne.
Lundi 18 mai, nous irons jusqu’au domaine du Grand Macabou, sur la côte atlantique ; là, sur un rocher entre des anses de sable blanc, s’élève la petite chapelle de Notre Dame des Marins, précédée d’un chemin de croix ; ce lieu ouvert au public est un petit espace de prière et de recueillement face à l’Atlantique qui déferle sur les récifs coralliens.
Nous poursuivrons quelque peu le chemin côtier, évitant une plage ouverte aux sargasses, rejoignant une vaste anse de sable blanc, protégée du large, et remontant à travers la forêt sèche de bord de mer. Là, sous les arbres, les pièges à crabes sont prêts à être disposés au-dessus des trous, à l’approche des fêtes de Pentecôte. En effet, pour Pâques et Pentecôte, les Martiniquais fêtent Matoutou sur les plages ; au menu : barbecues, retrouvailles en famille, et crabes. Or cette année, les plages étaient interdites à cette période et le couvre-feu étendu au week-end pascal…
Mardi 19 mai, nous entrons dans les terres derrière Le Vauclin ; après avoir parcouru des vallons agricoles, où l’on aperçoit d’anciennes habitations,
nous nous engageons sur les flancs boisés de la Montagne Vauclin ; nous retrouvons une végétation plus humide, plus riche, et plus fleurie.
Mercredi 20 mai, nous partons à la découverte de l’anse Chevalier. Une sorte de mirador offre un beau point de vue sur l’îlet Chevalier, et l’anse protégée par ce dernier.
Nous rejoignons l’anse Michel, à travers la forêt sèche derrière la plage : un figuier maudit magnifique s’impose au détour du sentier.
Ce ficus émet des racines aériennes depuis ses branches, qui viennent se fixer dans le sol. Ces ficus peuvent se développer comme une plante épiphyte, c’est-à-dire qu’elle se développe sur un autre tronc, un mur, et développent des racines qui atteignent le sol, enserrent le porteur pour le faire dépérir ; ce sont alors des figuiers étrangleurs.
En arrivant sur le sable, les « Touloulou » prennent la fuite à notre passage, non sans avoir levé leurs pinces pour se défendre…
La plage de sable blanc est magnifique, relativement protégée de la force de l’Océan par les récifs coralliens ; elle méritera que nous y revenions avec nos compagnons de confinement pour un pique-nique dès que les règles sanitaires seront un peu allégées.
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