13 août – 11 octobre 2020 Martinique Saison cyclonique
Le 13 août au soir, après un séjour d’un mois en Métropole, riche en rencontres familiales, nous retrouvons Nissos. La saison cyclonique dure jusqu’à la fin octobre, les îles antillaises étrangères sont toujours fermées, et un décret du 14 août, du préfet de la Martinique, recommande de limiter la navigation inter-îles. Nous décidons de prolonger notre escale à la marina du Marin jusque vers le 20 septembre. Nous organisons nos journées entre remise en état du bateau, entretien ou travaux, et nouvelles découvertes de la Martinique.
Les flamboyants encore en pleine floraison dans les propriétés derrière la marina et la sous-préfecture, ont été un but de promenade, une fin d’après-midi.
Nous avons également trouvé une voie s’élevant entre les maisons au-dessus du Marin, devenant sentier dans la forêt jusqu’à un col nous offrant une belle vue sur le Cul-de-Sac du Marin et sur le vallon agricole derrière les mornes de bord de mer, où se situait l’usine du Marin…
La curiosité nous a fait nous arrêter sur le parking caillouteux de la N5 à la Pointe Borgnèse, à l’entrée du Cul-de-Sac du Marin. Là, un sentier balisé part à flanc de cap à travers la forêt sèche du littoral, avant de descendre vers les ruines d’une poterie, que des figuiers maudits cachent et envahissent ; puis, après un détour sur les rochers de la Pointe Borgnèse, nous regagnons les petites plages de sable clair, à l’ouest de la pointe, à l’abri de la houle.
Mancenilliers, amandiers, raisiniers, cocotiers offrent une ombre agréable et les branches des arbustes deviennent des porte-serviettes bien utiles pendant qu’on se délasse dans l’eau chaude et limpide, en admirant les variations de tons : bleu roi, bleu azur, bleu turquoise de l’eau, blanc du sable, nuances de vert de la forêt, roches noires du cap.
La location d’une voiture nous permettra d’élargir notre rayon de balades et de découvertes. Le prétexte de l’approvisionnement de la cambuse nous a menés jusqu’à l’Habitation Saint-Etienne. Nous commençons la visite par « les Foudres », ancien bâtiment dévolu à la dégustation, la boutique et une exposition rendant hommage à l’écrivain et poète Edouard Glissant. A l’extérieur de ce bâtiment, sur sa façade donnant sur le parking, une grande fresque : « la fresque du voyage des imaginaires » de Fédérica Matta.
Munis d’un beau dessin de la même artiste, en guise de plan de la propriété, nous déambulons dans le jardin blotti dans un petit vallon dans le creux d’une anse de la rivière Lézarde : « une promenade dans les imaginaires de l’Habitation Saint-Etienne ». Notre esprit est habitué aux cartes précises et légendées ; nous éprouvons quelques difficultés à nous laisser saisir par le côté poétique de ce plan et chercherons en vain citronniers ou litchies, en l’absence de panneaux pédagogiques. Quelques beaux arbres attirent notre attention.
De la même façon, les bâtiments (chaix, ancienne distillerie, puisque la distillerie ne se fait plus sur place) restent visibles de l’extérieur, les tonneaux de rhum entreposés également, mais rien pour expliquer leur fonctionnalité. En revanche, nous apprécions le calme du lieu et les bords de la rivière Lézarde.
Un autre jour, pour rentrer au Marin, nous évitons l’artère à deux voies chargée et prenons la route du bord de mer ; nous passons Trois-Ilets, gagnons Arlet et ses Anses. Dans le mouillage de Grande Anse, la zone de mouillage organisé est en fonction ; en cette saison, peu de voiliers sont sur rade (sans doute un certain nombre d’habitués de l’anse ont quitté les lieux également) et les bouées ont été installées de manière à laisser libre un vaste espace devant la plage. La « capitainerie », en front de mer est fermée : il est plus de 16 heures et les horaires d’ouverture sont de 11 heures à 16 heures du mardi au samedi ! Un peu surpris, et notant les éléments nécessaires (Numéro de téléphone, canal VHF 09), nous nous promettons de tester ce service lorsque nous reprendrons nos navigations…
La route se poursuit passant par le bourg d’Arlet, puis par la Petite Anse, avant de partir à l’assaut du Morne Larcher. Elle redescend ensuite, en balcon au-dessus du Diamant. Le soleil couchant offre un bel éclairage sur le rocher et une esplanade a été aménagée apportant des explications sur le rôle stratégique de ce bloc de basalte, les batailles dont il a fait l’objet, avant sa reprise définitive aux Anglais en 1805.
Nous rejoignons la vaste baie du Diamant en nous arrêtant au Mémorial Cap 110°, à l’Anse Cafard. Un navire négrier, mouillé dans l’anse, peu hospitalière, y fit naufrage. Les esclaves de l’Habitation Dizac, au-dessus de l’anse, portèrent secours aux rescapés (malheureusement pour ces derniers, victimes d’un commerce illicite, ils furent envoyés en Guyane). Quant aux esclaves qui n’avaient pas survécu, ils furent ensevelis dans une fosse commune ; c’est sur ce site qu’a été élevé ce mémorial émouvant : un groupe de grossières statues de béton blanc, orientées au cap 110° (vers les côtes d’Afrique d’où ils arrivaient).
Faisant halte à l’Anse O’Mullane, sur la route du Diamant, nous avons emprunté le sentier côtier qui mène au port de pêche de la Taupinière, plus à l’est, parcourant ainsi, en saison humide, la suite du sentier que nous avions parcouru, quatre mois plus tôt, en fin de saison sèche avec Cathy et Pierrick. La forêt sèche de bord de mer est bien verte, les feuilles offrent des tons de verts variés, et le paysage devient moins hostile…
Ce long séjour au port nous a permis également de parcourir pratiquement l’ensemble de la Trace des Caps, par petits tronçons de quelques heures, car il y a toujours un accès en voiture, vers l’une ou l’autre des anses qui jalonnent la pointe sud de la Martinique, et le début de la façade atlantique.
Après les grandes plages de sable clair, au sud, (Anse Meunier, Petite et Grande Anse des Salines), et plus à l’est, la Grande Terre des Salines, une pointe sable s’avance dans la mer face à l’îlet Cabrits avant de s’incurver vers le nord-est, dans l’Anse à Prunes. A partir de ce point, plus ouvertes à l’est et à l’Océan Atlantique, les anses, toujours de sable clair, sont davantage battues par les flots. Des sargasses brunes, en décomposition y sont déposées par la mer et quelques anses de galets alternent avec les anses de sable. Jusqu’à la Chapelle de la Vierge des Marins (dans le domaine du Grand Macabou, presqu’au terme de la Trace), les paysages sont variés : anses de sable, mangroves, caps rocheux, mornes et pointes arides.
Après l’Anse à Prunes, un gué suivi d’un pont de bois permet de franchir le bras de mer qui pénètre et alimente la Saline ; on aborde ensuite la Savane des Pétrifications ; son entrée est marquée par un amas de pierres retenues par des restes de filets de pêcheurs.
Elle doit son nom aux bois fossilisés qui la composaient. Aujourd’hui, ces vestiges géologiques ont pratiquement disparu en raison de très nombreux prélèvements, et c’est un étonnant paysage que l’on parcourt : d’un côté, la mer, d’un bleu intense ou frangée de blanc sur les récifs coralliens, vient frapper bruyamment les falaises vers la Pointe d’Enfer.
De l’autre côté, le vert du haut des mornes disparaît ainsi que les arbres, et de cairn en cairn, le sentier suit la côte découpée à travers la roche granuleuse et ocre.
Soudain, un tunnel de hauts buissons, comme une porte, marque la fin de la Savane et permet de gagner l’Anse Trabaud.
Cette anse est limitée au nord par la Pointe Baham, morne relié à la terre par un isthme couvert de forêt sèche. Cette pointe marque l’entrée de la Baie des Anglais, baie profonde que l’on contourne derrière une vaste mangrove ; dans son nord, la Pointe Coton et sa plage sont endormis ; les tauds en toile à voile, les bancs, les tables et les barbecues attendent les touristes, absents en cette saison, emmenés par « Bébèche, joie de vivre », pour une journée de baignade et barbecue dans ce petit coin de paradis.
La baie est protégée du large par une série d’îlets émergeant des récifs coralliens, sous lesquels s’abritent quelques rares voiliers habitués des lieux (car les fonds ne sont guère profonds ni francs). L’eau y est calme et peu profonde, permettant d’ordinaire d’y savourer un Ti’Punch les pieds dans l’eau…
Plages et pointes marquent la suite du parcours jusqu’au Cap Ferré. Ce promontoire rocailleux, couvert à son sommet d’arbres couchés par le vent, est remarquable par « l’Oeil Bleu » dans les rochers au bord de l’Océan. Ce trou d’eau a été façonné par les vagues dans le calcaire corallien ; l’eau claire, aux teintes rappelant les variations de ton de l’iris d’un œil bleu, tacheté du noir des oursins, est attirante ; mais elle se révèle être un piège très dangereux, alimentée sans cesse par le ressac, sans compter les effets de la marée, créant des tourbillons qui creusent inlassablement ce trou dans ces roches acérées. De nombreux panneaux mettent en garde les imprudents contre les dangers de ce site fascinant et meurtrier.
Remontant toujours vers le nord, le sentier longe Grande Anse, belle plage encore, marquée dans sa partie nord, par le Trou Kadia : une coulée de roche granuleuse et ocre, rappelant la Savane plonge dans la mer ; elle y crée ainsi un petit arrondi rocheux, marqué par une roche émergée ; l'ensemble est empli, en cette saison, de sargasses…
On rejoint ensuite le Cul-de-Sac de Ferré, vaste anse intérieure, protégée du large au nord et au sud, par deux caps rapprochés. Là encore, une mangrove, zone de transition entre la mer et la terre, forme son pourtour, que l’on parcourt sur des pas chinois ou des passerelles, admirant l’activité des crabes « violonistes » ou « Cé ma Fot » (ainsi nommés en raison de l’hypertrophie de l’une de leurs pinces) dans la vase ; parfois, une petite plage s’interpose dans la mangrove, ou une petite avancée de terre, offrant ainsi une bonne mise à l’eau pour les barques des pêcheurs, bien abrités dans ce cul-de-sac…
Sortant du Cul-de-Sac, on retrouve une alternance de plages de sable blanc et de pointes rocheuses qui les séparent les unes des autres, jusqu’à la Pointe Macré. Cet autre promontoire rocheux offre un beau point de vue sur les Anses dans son sud et sur l’Anse Grosse Roche en son nord. On rejoint la Chapelle de la Vierge des Marins par le bord de mer, une vaste lande rocailleuse ;
une variante permet de regagner le parking du domaine de Grand Macabou en quittant le bord de mer et franchissant des mornes à travers la forêt sèche, dégageant d'autres points de vue sur l’Océan et sur le rivage…
En cette saison humide, la végétation était fournie, l’herbe bien verte. Les étangs dans les creux des mornes ne manquaient pas d’eau, et des papillons blanc-vert pâle voletaient tels des flocons de neige près des bosquets d’herbe, ou fleurissaient les longues herbes, une fois posés dessus.
A d’autres endroits, les fleurs des flamboyants laissent la place aux fruits : de longues cosses vertes et plates et les feuillages se densifient.
Chaque plage apporte ses surprises : le campement indépendantiste dans les sous-bois de la plage, avec son chef, une matrone installée sur un fauteuil, qu’un jeune rasta aborde avec marques de respect, les tas d’enveloppes d’oursins blancs au pied des arbres, les abris en feuilles de cocotiers tressées, ….
Nous avons pu approcher de la Trace en voiture, par des chemins bétonnés, cabossés, caillouteux, mais le plus original est celui qui permet d’accéder à la baie des Anglais. Au pied d’une ancienne minoterie, une corde barre le chemin ; des chaises et une case marquent ce « péage » ! L’accès au fond de la Baie des Anglais est ainsi possible en voiture jusqu’à 18 heures, moyennant quelques euros, (qui ne garantissent pas pour autant la qualité du chemin !) contre un ticket prouvant votre paiement.
Ce parcours côtier nous a permis également de voir sous différents angles, les îlets et récifs qui la jalonnent.
Outre l’Îlet Cabrits et son phare, repère lorsque la transatlantique se termine, la « Table du Diable » est remarquable :
cette dalle calcaire surplombant des dépôts volcaniques est battue par les flots, et aux alentours les courants paraissent violents. D’autres phénomènes géologiques identiques se retrouvent le long de la côte, près de la Pointe d’Enfer, moins imposants, mais remarquables tout de même…
Outre les moments de marche permettant d’admirer différents aspects des côtes, nous avons effectué ou fait effectuer quelques travaux sur le bateau. Le cristal des joues de protection du cockpit avait noirci ; il s’agit d’un champignon qui s’est développé dans le plastique et nous avons pu le faire changer assez rapidement.
Les plexiglass de la casquette témoignaient de l’âge du bateau, et la visibilité devenait difficile par endroits, tant il était faïencé. Nous avons pu les faire changer, prenant rendez-vous avec le menuisier dès son retour de congés, et avant qu’il ne soit submergé par les commandes. Nous avons ainsi retrouvé une bonne et large vision du plan d’eau protégés derrière la casquette.
Des points de soudure étaient nécessaires dans le support d’un tangon dans les filières en inox. L’entreprise de soudure (qui nous avait repris le cadre métallique du deuxième alternateur du moteur) a trouvé un repreneur et nous avons apprécié le soin apporté au travail de reprise des points de soudure sur la filière par Inoxalu…
Nos soucis de pompes de WC se poursuivent et nous avons été amenés à les changer plusieurs fois dans l’année, le plastique du corps de pompe se fendant, comme si nous étions tombés sur un défaut de fabrication d’une série…
Ce temps au port a permis également de retrouver les amis navigateurs rencontrés depuis deux ans, qui patientent eux-aussi au Marin ou au mouillage à Sainte Anne, en attendant la fin de la saison cyclonique, et en espérant pouvoir reprendre des navigations inter-îles. Nous partageons des dîners animés, proposons les commodités d’une voiture pour des courses, ou des visites. Un soir, nous nous retrouvons autour d’un barbecue sur la plage, autour de Philippe et Joëlle, qui ont décidé de repartir dans les Grenadines, dans la perspective de caréner leur catamaran à Cariacou. La procédure administrative et sanitaire est très précise sans être trop lourde : un seul mouillage d’arrivée est autorisé, au sud de l’île de Saint Vincent, à Young Island ; il faut s’annoncer par mail auprès des services d’immigration, y arriver avec un test PCR négatif de moins de 72 heures ; sur place, un second test est effectué par les services de santé de Saint Vincent et les Grenadines (SVG). Puis, en même temps que les résultats négatifs du test, la clearance est accordée, et ils ont liberté de navigation dans le territoire des SVG. Par ailleurs, les différentes îles/territoires ont un accord (bubble caricom) qui autorise les plaisanciers ayant respecté le protocole sanitaire à leur arrivée dans la première d’entre elles, à rallier les autres îles, sans autre formalité que la clearance, s’ils apportent la preuve (grâce aux clearances) qu’ils ont passé quatorze jours dans le territoire précédent, sans apparition de symptômes. La saison s’étire lentement ici, et cela nous fait réfléchir…
Pour l’instant, nous retrouvons le mouillage de Sainte Anne, et naviguons sous le vent de la Martinique, pendant encore une bonne quinzaine de jours. Cela nous permet de savourer la Grande Anse d’Arlet, comme nous ne l’avions encore jamais vue ; la saison et la mise en place du mouillage organisé sur bouées (et donc payant) ont vidé l’anse des bateaux installés à l’année. Nous sommes sur une bouée, dans la partie sud de l’anse, la plus calme, face à la plage ; les voisins sont peu nombreux et la pleine lune apporte son charme à notre séjour…
Les abords de la côte restent toujours beaux et les fonds sont toujours aussi plaisants à admirer…
L’Anse à l’Ane, l’Anse Mitan sont d’autres haltes, après de petites navigations, le long des côtes bien vertes de l’île.
Elles nous permettent de retrouver pour un soir, Edouard, ami de nos enfants, qui commence une mission en Martinique et a acquis un voilier à l’Anse Mitan. Il nous avait rendu visite à Sainte Anne et nous le retrouvons à l’Anse Mitan pour une soirée d’échanges enrichissants.
Joëlle et Philippe sur VoileOvent II, sont partis depuis plus de quinze jours ; ils naviguent presque seuls dans les îles Grenadines. Nous réfléchissons à faire comme eux.
Un mail auprès des services de l’immigration nous confirme la procédure à suivre. Nous prenons une place au Marin pour les derniers préparatifs, le test PCR, et nous nous annonçons au mouillage de Young Island pour le 12 octobre, après vérification de la météo…
Nous nous préparons donc à repartir naviguer pour un mois ou deux dans les îles Grenadines et nous nous en réjouissons. Virgil, un ami skipper des enfants, nous demande si nous voulons bien apporter des vivres et du matériel de première nécessité pour un bébé (couches, lait…), à son ami boat boy, à Salt Whistle Bay sur l’île de Mayreau. En effet, dans ces îles, qui ne vivent que du tourisme, l’absence de voiliers et des ressources qu’ils apportent, se fait cruellement sentir. Nous acceptons bien volontiers, et un après-midi, nous chargeons la cabine avant de pâtes, riz, lentilles, lait, couches…
Dimanche 11 octobre, nous quittons le Marin et allons mouiller à Sainte Anne, en attendant l’heure propice à notre appareillage en vue de rallier directement Young Island au Sud de Saint Vincent…
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