les Kradoks équipiers, épisode 4, suite et fin.
Année 2006, Nous avons décidé, les deux kradoks réunis, de voyager plus loin que le petit bout de l’étrave de notre “papillon bleu”, gibsea 76 d’un certain âge.
Cette première expérience d'équipier, c'est le saut vers de nouvelles aventures
Jour J + 10
Chouchou a préparé un petit mot dans la nuit. Elle nous le lit ce matin. Elle a formalisé les reproches abrupts de Biquet sur un ton moins passionné. Ils ne se sentent pas prêts pour ramener le bateau jusqu’à Gruissan. Ils se sont engagés humainement et financièrement dans cette aventure. Ils ont besoin de notre aide. Nous nous sommes engagés à les accompagner jusque en France. Elle nous demande de tenir nos engagements et de ne pas les abandonner dans ce pétrin.
Ce discours nous fait craquer , même si certains reproches qu’elle réïtère dans sa lettre ne nous paraissent pas mérités. Avant de changer d’avis, nous posons nos conditions :
Le ton de Biquet change.
Nous ramenons le bateau à Marseille où ils pourront trouver d’autres équipiers pour finir le voyage. Mais c’est les deux captain Kradok qui prennent les décisions concernant la navigation.
Biquet prend son tour de quart tiré au sort et il ne garde pas ce qui l’arrange
Biquet et Chouchou sont d’accord
Je vais prendre la météo. Un coup de vent se prépare entre Corse et continent. Il faut se dépêcher si nous ne voulons pas être bloqué en Corse pour une longue durée. Départ immédiat.
occupation à bord par temps calme
occupation à bord par temps calme (suite)
occupation à bord par temps calme (fin)
Le soir nous faisons un arrêt de 2 heures à Macinaggio pour quelques courses avant la dernière traversée du voyage. J’achète quelques bières Pietra, la bière Corse à la chataîgne. Au diable les restrictions de Biquet et Chouchou ! Je vais voir les dernières info météo à la capitainerie. Cela se confirme , le mistral va se lever. Après le repas, départ immédiat. Les deux Kradok sont maintenant en terrain connu. Cela fait plusieurs fois que nous faisons la traversée dans ces conditions qui vont devenir musclées, avec notre petit bateau. Nous savons que le vent va se lever au milieu de notre traversée et que nous devrons alors tirer à la côte pour nous mettre à l’abri.
Nous passons au large des îles de Fionocchiarola de nuit. La bouée cardinale au large m’induit en erreur et je dois vérifier à deux fois notre route sur le traceur de Biquet qui a à présent des cartes plus précises. Puis après le passage de la Giraglia, nous laissons le quart à Biquet.
Jour J + 11
Loin avant l’île du levant, nous voyons les feux du phare du Titan. Il fait nuit, le vent s’est levé, avec la mer. Biquet et Chouchou ont rejoint depuis longtemps leur poste de crise, allongé dans leur cabine. Notre cap n’est pas bon du tout et il faut faire un choix. Je suis partisan de s’aider du moteur pour améliorer notre cap et aller jusqu’à l’anse de Port Man, sur l’île de Port Cros. Kradok I pense que c’est mieux pour le moteur, de tirer un long bord de près, jusqu’à l’anse de Cavalaire. Nous nous chamaillons un moment, dans la nuit, le vent et la houle pour savoir quelle option prendre. Biquet finit par sortir la tête du hublot de la cabine arrière et nous dit sur un ton suppliant : « Faites ce que vous voulez mais faites quelque chose ! »
Nous éclatons d’un gros éclat de rire. Je me range à la raison, en route vers Cavalaire.
Dans la baie de Cavalaire, la houle se calme et Biquet ressort de sa cabine. Captain Kradok I lui donne les instructions. Mouillage dans la baie. Biquet veut être à l’abri dans le port pour le confort de Chouchou. Kradok I lui explique bien ou se mettre facilement : au quai d’accueil à la capitainerie, juste à l’entrée. Nous laissons la barre à Biquet. C’est son bateau, si jamais nous l’abimons, nous aurons des ennuis. Nous nous souvenons de l’épisode du balcon avant, à Lipari où pourtant il était à la barre. Il fait un tour de reconnaissance avant de rentrer dans le port. Il est passé à ras de la jetée d’entrée. Il nous explique enfin qu’il ne voit pas bien la nuit. J’ai une grosse peur rétrospective, en me remémorant tous les quarts de nuit et le gros cargo qu'il n'a pas vu lors du départ de Scylla, à l’entrée du détroit de Messine. Cela m’explique aussi pourquoi il ne voulait plus naviguer de nuit, et pourquoi il choisissait toujours le premier quart de nuit où Chouchou l’accompagnait dans sa veille.
Nous rentrons enfin dans le port. Kradok I lui montre le quai d’accueil bien dégagé où il va pouvoir s’amarrer. Mais Biquet trouve que c’est trop prêt de l’entrée du port et pour le confort de Chouchou décide de filer plus au fond. Mais il n’y a pas d’autre place au fond du port. Avec le mistral violent et le gros fardage du bateau, la catastrophe prévisible arrive. Le bateau est parti s’appuyer sur 5 étraves à la fois. Début avril, nous aurions pu croire le port déserté. Pas du tout, de tous ces bateaux émergent des énergumènes hurlants. Chacun hurle également sur notre bateau, en tentant d’éviter d’abimer la coque sur toutes ces ancres saillantes.
Seul calme dans cette tempête de cris, Kradok I enfile sa combinaison de plongée et saute dans l’eau glacée du port avec une longue amarre qu’il a mis sur un winch du bateau. Il nage jusqu’au quai au vent pour y attacher l’autre bout de l’amarre. Nous arrivons à décoller le bateau de toutes les étraves et les pendilles en winchant rapidement.
La combinaison de plongée de Kradok I lui sert aussi de combinaison de survie. Dans les cas les plus difficiles, il la garde toujours à portée.
Le bateau est rapidement amarré. Tout le monde au lit.
Jour J + 12
Le capitaine de port nous aide avec son zodiac à placer le bateau au quai d’accueil que nous aurions du rejoindre en arrivant. Journée de repos. La tentation est grande de quitter l’aventure aujourd’hui.
Jour J + 13
Le vent s’est calmé et nous partons dès le petit matin, au moteur vers Marseille. Nous repassons le long de cette belle côte varoise que nous connaissons bien.
passage aux deux frères, au fond le Coudon
Le vent se lève à nouveau quand nous atteignons en fin d’après midi l’île du Frioul. Kradok I laisse la barre à Biquet pour caser le bateau. Il lui explique où se placer, mais Biquet veut une place mieux abritée et a décidé d’aller vers le fond du port. Un coup de gueule de Kradok I le ramène à la raison.
C’est la fin du voyage pour nous. Je reprends le travail après-demain Kradok a encore quelques jours devant lui. Chouchou lui demande de continuer le voyage jusqu’à Gruissan. Témoin à présent extérieur de la scène, je trouve qu’il décline bien poliment et habilement cette offre.
amarré au Frioul, fin du voyage pour nous
Le voyage se termine pour nous. Nous vérifions tout de même, quelques jours plus tard, en appelant la capitainerie de Gruissan que le bateau est arrivé à bon port.
Puis nous suivrons encore pendant de long mois les évolutions à la baisse du prix de vente du bateau sur les petites annonces internet.
Nous nous en sommes finalement bien sorti. L’expérience aura été riche d’enseignements.
Il m’est même arrivé de repartir comme équipier ! Mais je n'ai plus de quoi en faire une histoire... quoique ?
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Anonyme (non vérifié)
6 Mars 2013 - 12:00am
Un vrai roman !