Notre Transat
Notre Transat
Nous quittons les îles du Cap Vert le 08 décembre après un dernier ajustement des niveaux d’eau, achat de pain frais… Nous nous étions mis en règle la veille avec les autorités portuaire et l’immigration. Grand bien nous en a pris car un Zodiac de la police maritime vient tournicoter autour de nous, et après avoir vérifié le nom du bateau, nous fait un amical « au revoir ». Les premiers jours de mer sont fatigants le vent tourne un peu et nous oblige à de nombreux empannages, il souffle entre 10 et 20 nœuds et la mer est démesurée, des vagues croisées parfois écumantes et très creuses qui génèrent de violents coups de roulis, nous sommes ballotés de tous bords.
Mindelo s’éloigne dans la brume de l’harmatan
Les belles vagues d’une mer bien formée
Si on ajoute à cela que la capitaine est malade. Partie avec mal à la gorge à cause des courants d’air de Mindelo, je me retrouve la première nuit avec une forte fièvre. Je n’hésite pas ayant aussi des ganglions dans le cou, à me prescrire des antibiotiques. En 24 heures la fièvre tombe, mais je reste vaseuse deux jours. A ceci va s’ajouter les premiers ennuis techniques. Rupture du petit bout de réglage de Vany, réparé dans la journée ! C’est lui qui nous pilote comme un chef le Vany, bichonnons le ! Philippe doit également reposer des rivets pop sur l’attache du frein de bôme qui glissait librement dans la rainure et était bien moins efficace.
Premier petits travaux, couture du bout de réglage de Vany et pose de rivets pop sur le frein de bôme
La nuit du 11 au 12 décembre le vent tombe et les voiles battent pas mal. Au réveil mauvaise surprise, une couture a lâché en haut du génois sur une zone qui se retrouve en traction quand on prend les premiers tours de rouleau. Nous l’enroulons plus de façon à ne plus solliciter cette zone, car il y a trop de vent pour l’affaler et la mer est trop forte. Et c’est reparti le vent remonte vers 20 nœuds. Nous passons ainsi 4 jours voiles en ciseaux, génois enroulé et tangonné en empannant selon les besoins… un peu d’exercice pour Philippe, car nous empannons et repositionnons le tangon de l’autre côté, voiles en ciseaux tantôt d’un côté tantôt de l’autre ! Ça marche fort nous faisons plus de 120 miles par 24 heures.
Sous grand-voile et génois tangonné pendant les premiers jours
Je commence à faire du pain, celui acheté au départ étant consommé… j’ai besoin de faire des progrès ! Ça ne lève pas ! Dire que je descends d’une famille de boulanger !
Du pain et du baba au rhum maison
Le 13 décembre le vent tombe un peu et la mer se calme enfin, nous commencions à ne plus supporter la position assise, à force de ne pouvoir nous caler nulle part ! ! Donc opération de descente du génois, couture en plein soleil et hop on renvoie le génois ! Malheureusement pendant la nuit alors que le vent était bien tombé, le génois est venu se prendre dans les affreux crochets que Philippe avait fixé sur les barres de flèche pour tenir les drisses et étais largables. Au petit matin, horreur, il est déchiré sur au moins 20 cm. Donc Philippe dormant encore, le vent étant calme et la mer aussi, je décide de l’affaler et d’envoyer le gennaker. Et comme les ennuis ne viennent jamais seuls, le génois reste coincé à un tiers de sa descente. Mon équipier ne finira pas sa nuit, car il doit s’équiper et monter quasiment en haut du mat avec arrêt aux barres de flèche. Et ça roule ! L’opération se déroule au mieux. En moins de 30 minutes le génois est descendu les vis de l’enrouleur qui gênaient sa descente resserrées et les crochets démontés !
Travaux de couture sur le genois et réparations dans la mature
Nous filons toute la journée par 10-15 nœuds de vent apparent (soit + 5 en vrai) sous gennaker, nous avons affalé la grand-voile pour ne pas le déventer. Quand tout à coup sous un léger départ au lof, un grand bruit et le gennaker s’affaisse dans l’eau, heureusement pas complétement ! Le taquet plastique sur lequel était amarrée la drisse a littéralement explosé. Nous avons eu la chance que tout ne s’affale pas. Nous avons réussi à reprendre tout cela et re-hisser les 4-5 mètres qui avaient filés et rangé le gennaker. Quelle chance, je n’ose pas imaginer les dégâts si le gennaker avait complètement filé dans l’eau !
Sous gennaker seul, avant que le genois ne soit renvoyé
Nous n’avons toujours pas renvoyé le génois, réparé tant bien que mal avec de la bande collante (nous espérons que cela tiendra jusqu’à l’arrivée) car le vent est trop soutenu. Nous renvoyons la grand-voile la nuit et le gennaker, grand-voile affalée, le jour. C’est une manœuvre qui n'est pa immédiate. Il faut se mettre bout au vent pour affaler et renvoyer la grand-voile. Enrouler le gennaker, manœuvrer au moteur pour se mettre bout au vent (pas facile et inconfortable, dans cette mer !) ; envoyer la grand-voile et reprendre notre route. Et inversement dans l’autre sens.
Ce rythme se poursuit deux jours, le 15 nous avons la visite de dauphins, c’est toujours un bon moment et nous apercevons un voilier au loin, qui se rapproche au cours de la journée et nous double la nuit venue. On se sent moins seul, malgré les quelques cargos que nous croisons au loin. Les occupants du voilier n’ont pas répondus à nos appels à la VHF, étaient-ce des néerlandais, pas très liants ? ou bien un équipage ne s’encombrant pas d’une veille VHF sur le canal 16 ?
Le 16 décembre, le matin est très arrosé par des grains, un nuage gris surmonté d’un cumulonimbus avec un rideau d’eau en dessous. Selon la force du grain et la proximité, le vent peut monter jusqu’à 30-35 nœuds, mais sous grand-voile même non arisée, vent arrière, notre petit Vany gère cela très bien et nous pouvons nous abriter à l’intérieur. En cours de matinée, les grains s’espacent et nous profitons d’une brève accalmie pour re-hisser le génois, le vent a baissé à 10 nœud. Nous pouvons ainsi avec ce vent d’est, repartir plein ouest avec les voiles en ciseaux, c’est bien stable. Nous enroulons au maximum le génois la nuit tout en maintenant un petit triangle tangonné.
Un grain au loin qui s’approche, un grain sur l’avant qui vient de nous arroser, et un bel arc en ciel
Nous avons fait en huit jours la moitié du chemin, espérons que cela dure, nous pourrions arriver pour Noël.
Nous sommes bien occupés avec tous ces problèmes techniques et le choix de la meilleure voilure. Ceci ne nous empêche pas de profiter du paysage. Cette mer souvent démesurée par rapport au vent avec des lots de trois énormes vagues est d’une beauté sauvage. Le ciel, je ne vais pas y revenir, nous offre toujours ces spectacles dont je vous abreuve depuis notre départ.
Disgression Botanico-Nostalgique par le matelot.
Nous croisons depuis plusieurs jours des bancs d’algues flottant à la surface. Des kilomètres de ces algues dérivantes. Il s’agit de "Sargasses" qui migrent en suivant les courants transocéaniques pour finir par s’accumuler au confluent de ces courants en de vastes continents formant cette "Mer des Sargasses" issue des récits d’aventures océaniques ayant bercés mon enfance où des épaves de galions Espagnols et des corvettes Anglaises gisaient abandonnées et engluées dans cette forêt d’algues grouillante d’anguilles géantes qui en gardaient les trésors !! Plus prosaïquement, ces sargasses sont une plaie pour la pêche car les moindres tentatives de "mouiller un bout de ligne" se soldent par des kilos d’algue empêtrées sur les plombs et le leurre. Une autre surprise est le survol assez fréquent d’oiseaux de mer à plus de mille kilomètres de la côte la plus proche ! Quelle liberté !
Direction La mer des Sargasses ?
Nous faisons régulièrement un tour sur le pont, souvent alertés par l’odeur, pour rejeter à l’eau les poissons volants morts asphyxiés. Il ne faut pas oublier la baille à mouillage à l’avant d’où se dégageait une odeur épouvantable et le rangement du radeau de survie dans la jupe arrière ! Nous avons réussi avec du mal (ça se débat et ça glisse, ces petites bêtes !) à en sauver un qui avait rebondi sur la capote et se débattait sur le pont. Si jamais nous n‘avions plus rien à manger, nous pourrions toujours faire de la soupe de poisson volant ! Le pêcheur du bord ne met sa ligne à l’eau qu’épisodiquement !
Le 18 décembre le vent tombe, tout juste 10 nœuds (ce qui est un peu léger par vent arrière !). Nous allons plusieurs jours, marcher sous gennaker et génois tangonné en ciseaux pendant la journée, et la nuit nous renvoyons la grand-voile à la place du gennaker. Ceci nous permet d’essuyer les rafales sous les grains sans problème. Si un grain survient (ce qui ne manque jamais d‘arriver et ne prévient pas la nuit), nous pouvons enrouler le génois en déplaçant au maximum le tangon vers l’avant.
Nous ne faisons plus que très laborieusement nos 120 miles par 24 heures pendant deux jours.
Comment gérer le temps pendant une traversée. Le temps finalement il passe très vite, au rythme d’une journée qui s’écoule selon un rite bien rodé maintenant, toilettes, repas, siestes (appelées séances de méditation transcendentale par certain)…. Je voulais parler de l’heure. En effet nous sommes partis de la longitude 15° W et allons arriver à 60° W, plus nous allons vers l’ouest plus le soleil se lève et se couche tard ! Nous avons deux heures à bord : l’heure TU (Temps Universel) ou GMT (Greenwich Meridien Time) aussi appelée heure Zoulou, c’est l’heure de référence qui nous sert pour la navigation, fichiers grib, heure du livre de bord sur lequel nous notons le point toutes les 12 heures (ou plus si besoin) ; et l’heure locale que nous reculons d’une heure à tous les passages de méridien soit tout les 15° de progression vers l’ouest. C’est cette dernière heure qui gère notre vie à bord, apéro, repas, quarts…
Le 20 décembre le vent se renforce et nous pouvons marcher nuit et jour sous grand-voile et génois tangonné entre 5 et 6 nœuds, pas de manœuvre et l’arrivée le 25 décembre, avec nos 140 miles par jours, commence à se confirmer… si la météo reste fiable.
Le 21 nous croisions un autre voilier, équipage français avec lequel nous conversons un moment par VHF et prenons rendez-vous pour un apéro au Marin en Martinique, à l’arrivée. Nous les reverrons plus ou moins loin une ou deux fois les prochains jours.
Sympa de voir une voile à l’horizon au milieu de cette immensité.
La croisière se poursuit ainsi voiles en ciseaux pendant 4 jours, par un vent soutenu et une mer qui nous balance pas mal. Nous voyons la distance qui nous sépare du but diminuer sur le traceur. Des grains le soir et le matin quelques fois la nuit et en général une belle journée ensoleillée.
Le dernier jour le 24 décembre nous sommes très occupés par les tentatives de communication avec la famille par Iridium, qui ne fonctionnent pas très bien. Nous apercevons une baleine, un souffle et une grosses taches claires qui nous suit quelques minutes, mais nous n’aurons pas le bonheur de la voir clairement faire surface ! Philippe a la chance de l’apercevoir quelques secondes à environ 10 mètres du bateau.
La baleine ! Mais si ! la tache claire au milieu de la photo !
Nous arrivons enfin au mouillage de Sainte Anne à l’entrée du Cul de Sac du Marin à 23 heures locales (TU-4). Le mouillage d’après que nous apercevons de nuit et les indications de l’AIS nous paraît bondé, nous nous avançons au maximum et posons notre ancre par 4 mètres de fond .
Un petit verre de champagne , un petit peu de baba au rhum avec de la crème Mont Blanc pour fêter cela et au lit pour un repos bien mérité !
Eh ! C’est Noël quand même !
La vue sur le rocher du diamant depuis la baie de Sainte Anne
Une transat, nous en rêvions ! Et bien finalement ce n’est pas le plus intéressant en navigation. Je peux dire maintenant que ce que je préfère c’est découvrir de nouvelles escales, c’est arriver quelque part par la mer. Nous avons la satisfaction de l’avoir fait, d’avoir tenu ces 16 jours sans voir la terre, à se faire balloter dans tous les sens, à assurer la marche du bateau, son entretien et notre survie. Il est vrai que même si on part avec un bateau bien préparé, on n’a pas forcement pensé à tout ni tout géré correctement et le matériel souffre autant que nous à être secoué dans tous les sens 24 heures sur 24 ! Donc en cas de problème, il faut faire face.
Ce que nous avons aimé : sans hésiter les paysages, la mer à perte de vue, les couchers et levers de soleil, moments privilégiés ; ces alizés réguliers, c’est confortable (enfin façon de parler, car ça bouge !). Ce que nous avons le plus apprécié en arrivant : dormir un nuit d’affilée, et ne plus être secoués dans tous les sens … et après un bon petit repas au restaurant !
Il faut dire aussi que les moyens actuels rendent cet « exploit » très accessible. Les moyens de navigation, permettent d’arriver à bon port sans se casser la tête. Grace au téléphone satellite, nous avons une liaison avec nos proches, nous recevons des E-mails qui sont très précieux quand nous sommes comme cela isolés du monde pendant presque trois semaines. Ce n’est pas en soi un drame, de ne pas avoir de contact pendant ce temps, mais pour nous c’était important. Merci à tous pour vos mails d’encouragements. D’autre part la possibilité de recevoir des fichiers grib, permet, en plus de la sécurité, de choisir sa trajectoire pour rester dans les zones de vent modéré, ni trop faible, ni trop fort. C’est pour cela que nous avons choisi de piquer un peu sud au début et de rester sur le 14° de latitude nord où le vent était plus régulier.
Voilà la transat, nous en rêvions nous l’avons faite… mais c’est long !
Un dernier beau coucher de soleil !
L’équipage de Free Vikings vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année
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Nicole
28 Décembre 2017 - 12:21pm
coucou les marins